Un « Centre d’Etude et de Formation pour l’Accompagnement des Changements ». Le Crefac est né en 1972 d’une démarche syndicale de la CFDT Cadres (UCC à l’époque) de soutien aux salariés des industries textiles et sidérurgiques victimes des fermetures d’usines. Il s’agissait d’aider ces salariés à enrichir leurs compétences pour retrouver un emploi. Dès les années 2000, les cadres s’interrogeaient sur l’évolution de leur rôle avec la transformation des méthodes managériales et la financiarisation de l’économie. La CFDT Cadres a saisi l’opportunité de relancer le Crefac pour proposer des outils de réflexion sur les mutations du travail et de son organisation. L’idée était d’offrir aux cadres un lieu de ressourcement, de réflexion et d’échange avec des pairs d’autres branches professionnelles, avec un apport conceptuel par des experts et des professionnels. De ne pas reproduire le modèle des formations proposées par les grands opérateurs, centrées souvent sur l’apprentissage de méthodes et d’outils (leadership, conduite de réunions etc.). Au contraire nous voulions permettre aux cadres de prendre du recul sur leur travail, d’analyser différentes facettes de leur fonction et leur contribution au fonctionnement des organisations.

Un appui au pilotage des structures CFDT

Rapidement, la transversalité et la mutualisation de la démarche entre cadres et militants est apparue, et de nombreux militants ont participé aux sessions, à la fois pour professionnaliser leur management syndical, mais aussi pour mieux comprendre les questions et les problématiques des adhérents cadres. Des demandes de formation et d’accompagnement d’exécutifs régionaux et fédéraux ont ainsi été exprimées. Depuis 2018, des formations plus spécifiquement syndicales sont proposées : « Agir sur les stéréotypes pour la syndicalisation des cadres » pour les militants de sections syndicales, cadres ou non, voulant se développer en direction des cadres ; « Préparer et gagner les élections » pour les militants de sections syndicales ; « Être référent cadres » pour les militants qui ont la responsabilité de l’action syndicale. Le succès de ces formations, dispensées à Paris et en région, est encourageant. La confédération fait régulièrement appel au Crefac pour animer les formations d’exécutifs des instances fédératives. « Parmi les attendus, le bon positionnement de l’instance au regard des statuts et des règles de fonctionnement de la CFDT est essentiel. Mais cela ne suffit pas. Un collectif, ce sont des hommes et des femmes, avec des tempéraments, des compétences, des centres d’intérêts et des parcours singuliers. Ils sont élus pour ensemble diriger une structure, prendre des décisions, les mettre en œuvre » témoigne Isabelle Perrin, secrétaire confédérale, pour qui « là où l’affect, les représentations, les jeux d’acteurs, peuvent naturellement créer incompréhensions et tensions, les formateurs du Crefac outillent la structure pour objectiver les situations, prendre en considération la diversité des points de vue, les dépasser pour construire une lecture partagée, et décider. » Le Crefac fait partie dorénavant des services de formation et d’accompagnement reconnus et soutenus par la confédération, au service des militants, des structures et des adhérents.

Citons l’exemple de la Fédération Nationale des salariés de la Construction et du Bois FNCB-CFDT, dirigée au quotidien par des responsables-secrétaires nationaux qui sont des militants et militantes d’entreprise « souvent sans expérience de management » selon la Fédération qui souligne « qu’il y règne une bonne ambiance générale et des conditions globales de travail plutôt au-dessus de la moyenne », impliquant « que l’organisation du travail soit rarement mise en question. » La formation leur a permis d’avoir « un regard sur notre travail, notre organisation et de nous remettre en question pour évoluer sur deux dimensions : le pilotage des ressources humaines et la gestion de l’activité fédérale. Elle nous a convaincus sur le caractère indissociable de ces deux dimensions pour mener à bien nos missions. »

Les intervenants du Crefac sont des experts des domaines sur lesquels ils interviennent. Ils ont exercé des responsabilités de haut niveau dans leur entreprise ou administrations. Ils publient régulièrement des ouvrages sur les thématiques sur lesquelles ils forment et sont associés aux travaux de réflexion de l’Observa-

- toire des cadres et du management (OdC). Tous ont par ailleurs une bonne connaissance de l’univers syndical des cadres.

Le processus de professionnalisation du manager

Pour évoquer la pédagogie utilisée par le Crefac, un postulat de départ : le management est un travail, comme tout travail il s’apprend, mais pour autant s’enseigne-t-il ? Autant de questions issues des travaux de la CFDT Cadres et de l’OdC. Quels sont les attendus vis-à-vis des savoirs faire managériaux ? Un manager doit répondre à 3 nécessités pratiques : savoir se poser les bonnes questions, apprendre à poser un problème, savoir chercher l’information nécessaire, pour mieux décider ; savoir relier les connaissances, contextualiser les problèmes, affronter la complexité du monde ; savoir apprendre et travailler en commun, avec d’autres individus, aux profils variés ; argumenter, savoir expliquer (pour partager ses connaissances).

Le manager doit apprendre à exercer son rôle « d’enquêteur » (Philippe Lorino). Il s’agit d’abord de capter dans la situation des signaux significatifs permettant de repérer des situations déstabilisantes, ce qui nécessite une grande qualité d’attention à l’environnement, et notamment à l’environnement socio-humain : une grande attention aux autres. A partir de ces repérages, il faut construire une hypothèse, c’est-à-dire un récit plausible qui rend la situation qu’on est en train de vivre compréhensible. Cela fait appel à la pensée narrative, c’est-à-dire à l’imagination créatrice. Il faut à ce moment créer des options, se contraindre à envisager plusieurs hypothèses avant d’en choisir une, pour éviter de sauter à pieds joints sur l’hypothèse que nous dictent nos habitudes. Puis, en raisonnant logiquement, on arrive à des propositions testables dans l’action réelle. Enfin, il convient d’expérimenter, de tester l’hypothèse retenue, en gardant en tête qu’elle n’est qu’une conjecture parmi d’autres. L’enquête ne s’arrête jamais et le processus de professionnalisation du manager, mélange de réflexivité sur ses pratiques, de réflexion théorique et d’expérimentation, s’opère aussi avec une certaine expertise générée tout au long de la carrière.

Car l’expérience managériale n’est pas une somme de vécus mais une production qui permet au manager d’articuler des savoirs théoriques à ses propres pratiques. Cette production de savoirs demande une réflexion sur les pratiques, de la modélisation ainsi qu’une préparation au transfert pour une nouvelle expérimentation. Pour réaliser ce travail encore faut-il pouvoir confronter ses pratiques et ses problématiques au regard de ses pairs dans un cadre formel avec la médiation d’un formateur ; c’est l’ambition des formations du Crefac de mettre au service des adhérents et militants CFDT en situation de management un dispositif qui leur permette de réaliser ce travail réflexif. Pour répondre à ces enjeux le Crefac utilise ainsi une pédagogie réflexive qui organise une réflexion sur l’action :

 

Ainsi chaque regroupement est construit à partir de séquences d’analyse de pratiques professionnelles et d’apports conceptuels. Il permet au stagiaire de construire son propre répertoire de « savoirs pratiques ». Ce choix pédagogique n’est pas limité aux fonctions de management mais s’étend à l’ensemble des fonctions des cadres. « Ceux qui participent aux séminaires sont animés par deux motivations : bien faire leur travail de cadre, être des managers reconnus par leur hiérarchie comme par leurs collègues et leurs équipes et ne rien céder sur les questions éthiques, le droit syndical ou la solidarité, du moins celle qui ne se satisfait pas d’œuvrer au sein d’un clan ou dans la rivalité avec les équipes voisines. C’est cette double perspective qui fait de mes contributions à ces séminaires une expérience unique et très stimulante » relève Jean-Marie Bergère, consultant-intervenant en management. Le Crefac cultive ainsi la confrontation des logiques chères à la CFDT. « On n’y cherche pas une « entente heureuse » niant la singularité de chacun de ces points de vue, mais à imaginer un chemin à partir des expériences vécues par chaque participant qui ne cherchent pas des recettes mais une oasis de réflexion sur ce qui se joue pour eux dans leur travail, dans l’écart entre la carrière et l’engagement. »

La dernière formation en date au catalogue « Résolution des conflits dans un collectif » est révélatrice du besoin de professionnaliser le rôle du manager. L’URI Hauts de France CFDT, qui anime un réseau cadres, en témoigne : « Nous souhaitions pouvoir offrir aux cadres de la région des formations plus professionnelles. C’est pourquoi nous avons retenu celle sur la résolution des conflits. Le succès a été tel que nous avons dû la dédoubler et organiser une deuxième session. Les retours des stagiaires que nous avons sont très positifs en termes d’intérêt et d’opérationnalité. » Pour l’URI, « l’objectif de mettre les adhérents cadres en capacité de faire face à leur rôle de manager adhérent CFDT est largement atteint. » Selon Damien Cru, consultant intervenant en prévention des risques professionnels, « Cette formation est la bienvenue car elle répond aux évolutions de l’activité tant du cadre que du militant en entreprise. Le trait dominant de ces évolutions, c’est que les conflits internes aux organisations, voire les conflits interpersonnels, prennent le dessus dans un contexte où le travail de manager, de délégué, d’élu, de mandaté devient de plus en plus exigeant, difficile, demande plus d’investissement, de disponibilité. » L’URI prévoit prochainement une formation à la conduite d’entretien pour répondre là aussi à une demande.

Les structures professionnelles proposent également ce service aux adhérents. Citons le Syndicat Protection Sociale Nord Pas de Calais (Syrpros) qui a depuis plusieurs années érigé en priorité la formation de ses adhérents et militants : « nous avons fait le constat que les cadres syndiqués, qui représentent pourtant 16 % de nos adhérents, ne participaient pas aux actions de formation proposées. Malgré un catalogue de formations riche, l’évidence s’est imposée, il ne correspondait pas aux attentes des cadres. Il a donc été décidé de rechercher un partenaire capable de répondre à cette problématique. » Le Syrpros a signé avec le Crefac une convention sur 3 ans. Le résultat est probant puisque le syndicat a réussi à mobiliser, en 2019, 38 cadres sur 4 modules de formation. « Au-delà de la qualité des formations proposées, nous pouvons également souligner l’écoute des collaborateurs Crefac, son adaptabilité à nos demandes mais aussi la garantie qu’il propose des formations adaptées aux enjeux du management de demain. » Près de 50 ans après sa création, le Crefac a vu les évolutions des métiers et des responsabilités des cadres évoluer profondément. Le fil conducteur est que le management s’apprend et qu’il s’apprend en situation. « Nous avons humblement le sentiment d’être, aujourd’hui, de meilleurs managers » relève la FNCB ; « Nous nous y attelons chaque jour avec cette conviction acquise en formation que seul l’on va plus vite mais qu’ensemble on va plus loin grâce à l’intelligence collective. » Rendez-vous donc sur www.crefac.com.