Nul n’a pour l’instant de réponse assurée. Mais une chose est certaine : on ne pourra faire l’impasse sur cette nouvelle donne sociologique dont la puissance est telle qu’elle est parvenue à subvertir, dès les années 1980, les lois Auroux en leur faisant produire un effet d’individualisation là même où était recherchée la consolidation du collectif selon le modèle édifié depuis un siècle. Après avoir mis en évidence ce grand paradoxe, il faudra s’interroger sur les implications d’une telle évolution quant au régime de la relation individuelle de travail dont on redécouvre aujourd’hui le rôle essentiel qu’y tient la confiance comme ressort et principe de durée.

Dans son rapport sur L’État et la démocratie de 1985, Blandine Kriegel remarquait que « l’idée même d’un espace civil à l’intérieur des unités de travail est demeurée inconnue de notre droit social », sous-entendu « jusqu’à la période la plus récente ».

La grande inversion des années 1980

Il est vrai qu’entre libertés, droits fondamentaux et entreprise, l’incompatibilité fut longtemps aussi radicale qu’entre l’eau et le feu. Pour un chef de fabrique, de manufacture ou d’entreprise des années 1850, 1900 ou même 1950, cette question est tout simplement incongrue et insensée. Comme si la clôture des entreprises sur leur spécificité invalidait l’idée d’universalité spatiale des droits fondamentaux. L’espace public républicain est mité par un irrédentisme, une sorte d’ilotisme contre lequel le monde du travail s’était d’ailleurs très tôt insurgé comme en témoignent les beaux textes recueillis par Jacques Rancière1, et la fameuse proposition de loi Ferroul de 1890. « Jusqu’à présent, les employeurs individuels ou collectifs ont fait la loi, de véritables lois dans les ateliers, sous le nom de r