Il fut un temps où le client pouvait choisir la couleur de sa voiture pourvu qu’elle fût noire, pour reprendre une célèbre expression de l’économie industrielle. Puis la domination de la production sur la consommation s’est inversée. La finalité est moins de produire ou de répondre à un besoin : il faut vendre, faire consommer, ce que l’économie financière a démultiplié.

L’économie collaborative s’appuie elle sur une logique nouvelle de collaboration entre l’offreur et le demandeur. Elle peut se définir comme étant un mode de développement qui entend produire de la valeur « en commun ». Un agir par lequel on cherche à s’entendre avec l’autre, de façon à interpréter entre plusieurs parties prenantes telle situation et à s’accorder mutuellement sur la conduite à tenir. Les meilleurs processus de décision et de production sont bâtis en commun et en communication. Voyons-y une éthique de gouvernance : un mouvement démocratique n’est-il pas défini par sa capacité à fabriquer de l’acteur, à faire que les gens soient actifs ? Manager, n’est-ce pas faire émerger le meilleur chez les salariés ?

Les pratiques collaboratives sont là. Des particuliers s’organisent entre eux pour faire des échanges économiques. Des services publics se construisent en collaboration avec leurs usagers. Des entreprises tiennent compte de l’ensemble de la chaîne de création de valeur dans leurs modes de production. Des managers redécouvrent les vertus économiques de la coopération. Le dialogue social et le dialogue professionnel se nourrissent mutuellement.

L’économie collaborative repose sur des formes d’organisation du travail plus horizontale et moins hiérarchique que verticale, la mutualisation des biens, des espaces et des outils. L’usage plutôt que la possession ainsi que l’organisation de réseaux et communautés plus ou moins formels. Ce mode de développement prend le contre-pied du système capitaliste traditionnel et de la morosité économique. Il répond à un besoin d’éthique environnementale, au désir de pratiques écologiques et de relations (professionnelles, sociales) plus conviviales. Son essor est dû à l’utilisation des technologies permettant d’améliorer la créativité collective et la productivité. L’économie circulaire n’est désormais plus une utopie.

Cette revue propose un regard sur l’économie collaborative au sens restreint : elle n’évoque pas la consommation (covoiturage…), les modes de vie collaboratifs (colocation…), la finance (crowdfunding…) ou la production contributive (fab labs…). Elle explore la transition numérique et les opportunités qui permettent de nouvelles pratiques. Un travail moins contrôlé et plus innovant, une attention à l’usager et au client, une production qui tient compte de la rareté des ressources.

Ces pratiques déplacent la notion de qualité qu’on ne limite pas au produit ou au service fini. Une qualité globale qui n’est pas seulement définie au profit du seul consommateur (ou usager) ou du seul producteur (ou gestionnaire) mais co-définie par l’ensemble des acteurs concernés. Codécision, coproduction, redéfinition des cycles des produits et des ressources, nouvelles articulations entre l’offre et la demande. L’économie de la qualité est celle qui tient compte de la société dans lesquels s’inscrit la production. La CFDT Cadres appelait lors du dernier congrès confédéral à soutenir le jeu collectif professionnel, à défendre la coopération face à la compétition exacerbée allant contre la performance globale de l’entreprise ou de l’administration. La transition vers une économie de la qualité est une question syndicale et la CFDT, parce que les salariés en sont des acteurs déterminants, entend s’y investir.