Il est important, en tant que manager, de garantir l’effectivité de la protection de la santé des collaborateurs, indépendamment bien entendu du respect des accords collectifs. C’est d’autant plus important que deux décisions de la Cour de Cassation en 2011 marquent un tournant dans la pratique du forfait-jours, en privilégiant les droits fondamentaux que sont le droit à la santé et le droit au repos. Et en confirmant que la notion de temps de travail et celle de temps de repos « sont exclusives l’une de l’autre »36. Cette jurisprudence nous interpelle sur l’usage des TNIC. La Cour précise également que « ce n’est pas au salarié de veiller à ce que sa charge de travail reste raisonnable.37 »

Un entretien annuel pour les salariés au forfait-jours

Vous devez organiser au minimum un entretien annuel individuel (certaines conventions collectives ou accords prévoient davantage) avec chacun de vos collaborateurs en forfait-jours. Celui-ci porte sur sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle, sa vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération38. Sans un suivi régulier, le risque va pour l’employeur de l’annulation du forfait-jours et le paiement d’heures supplémentaires jusqu’à la faute inexcusable (en cas de malaise cardiaque, burn-out, suicide…). Et vous pouvez être individuellement exposé à des poursuites pénales.

Concernant l’entretien individuel annuel, on peut largement conseiller un écrit reprenant les observations, actions, suivi de l’amplitude et la charge de travail mais aussi les doléances et les revendications éventuelles des cadres en forfait-jours. Quoi qu’il en soit, même pour les autres collaborateurs, l’organisation du travail et la charge sont une responsabilité managériale. Cette responsabilité est également d’ordre juridique. L’organisation du travail et la charge doivent être suivies régulièrement et, sans violer la vie privée, l’articulation vie professionnelle / vie privée doit être prise en compte.

Enfin, si vous devez être à l’écoute de vos collaborateurs, lors de votre propre entretien en tant que managé, c’est le moment de vous exprimer sur votre surcharge éventuelle de travail et ses conséquences du travail sur votre vie personnelle et familiale. Votre n+1 (comme vous en tant que manager) ne doit pas les éluder sitôt l’entretien fini, sous peine d’impliquer sa responsabilité et celle de l’entreprise.

Trame d’entretien : cherchez des indicateurs et des solutions...

Évoquez les équilibres entre l’activité professionnelle et la vie personnelle

Il ne s’agit pas de rentrer dans la vie privée39 mais de connaître la réalité du travail, de veiller au bon équilibre de vos collaborateurs. Connaître les contraintes personnelles pour organiser le travail sans mettre en péril l’équilibre des autres dans l’équipe peut s’avérer compliqué. Il s’agit surtout de ne pas organiser des réunions tardives et de donner une charge qui doit permettre du temps libre (repos...) le soir et le week-end.

On peut poser la question du ressenti de la charge de travail et celui des proches, évoquer s’il y a des événements éventuels de la vie privée qui pourraient impacter le travail et dont ils voudraient parler. Ecoutez surtout les possibilités d’améliorations qu’ils proposent, sur l’organisation du travail, la pause méridienne, le transport (qui peut aller vers une demande de télétravail), la non-réception de mails le soir (ou le week-end) ou la possibilité d’utiliser les outils différemment...

36 : Cass. soc., 29 juin 2011 n°09-71.107 et n°10-11525.

37 : Cass. soc., 11 juin 2014 n°11-20.985.

38 : Cf. article 3121-46 du code du Travail. La CFDT en revendique l’application pour la fonction publique par la mise à jour d’un décret pour en intégrer les dispositions aux fonctionnaires de l’État, d’autant qu’en termes de santé la responsabilité de l’administration peut-être engagée.

39 : La protection et le droit à la vie privée et familiale est d’ailleurs inscrite dans la Convention européenne des droits de l’Homme.