Dans le cadre d’une thèse de sociologie, nous avons réalisé une enquête auprès d’une sous-direction d’un service de recherches d’un ministère français. Nous appellerons cette sous-direction la DirEtu (pour direction des études). L’enquête se centre sur un aspect particulier de ce service et de sa gestion de la main-d’œuvre, à savoir le recours au régime de l’auto-entreprenariat pour faire travailler des « conseillers scientifiques », également qualifiés de « chargés de mission », mais qui n’apparaissent pas dans l’organigramme de la DirEtu puisqu’ils ont un statut de « collaborateur externe ».

La monographie a consisté en des entretiens avec l’adjoint au responsable de la DirEtu (Pascal), trois des quatre conseillers scientifiques « embauchés » sous le statut d’auto-entrepreneurs (Clarisse, Françoise et Solal) sur une population de 10 chargés de mission, ainsi qu’avec la responsable du service des ressources humaines (Sylvie).

Quelles sont donc les raisons qui poussent une administration de recherche publique à recourir au régime de l’auto-entreprenariat pour faire travailler ses chargés de mission ? Et quelles conséquences cette gestion de la main-d’œuvre fait-elle peser sur le travail, les revenus et la protection sociale de ces faux indépendants ?

Car il s’agit bien de faux indépendants. Le premier argument est simple : avant de travailler comme collaborateurs externes indépendants juridiquement, ces mêmes personnes (ou leurs prédécesseurs) travaillaient comme salariés de la DirEtu. Ainsi, Clarisse était vacataire, Françoise fonctionnaire mise à disposition et Solal remplace une personne qui était en CDD. La DirEtu a donc pour certains mis fin à leur contrat, leur a demandé de s’inscrire en tant qu’auto-entrepreneur, puis leur a confié des missions sous forme de « contrat de prestation » passant par