1. Les nouvelles organisations du travail

 

La poursuite de la transformation numérique des organisations. La transformation numérique s’est accélérée dans le privé comme dans le public. Intelligence artificielle, robotisation, développement de services en ligne et d’application, « expérience client » élargie grâce au digital… Ce développement a des conséquences directes sur les modalités d’exercice de l’activité. La CFDT Cadres revendique que toute transformation de ce type fasse l’objet d’un dialogue social en amont, ainsi qu’un droit au numérique, avec un accès à un réseau de qualité.

Le télétravail a connu un développement rapide et sans commune mesure avec ce que nous avons connu ces dernières années. La CFDT Cadres revendique l’ouverture de négociations sur la mise en place du télétravail exceptionnel pour anticiper les situations et non les subir comme nous avons pu le constater lors du premier confinement. Le développement du télétravail n’est pas sans risque. Il peut notamment isoler les salariés.

Organisation des espaces de travail. Le développement massif du télétravail va - et a déjà- transformé profondément l’activité sur site : car cette modification des lieux d’activité transforme de fait les espaces de travail. La CFDT Cadres revendique une approche pragmatique pour que cette organisation du travail soit négociée avec les partenaires sociaux. La priorité doit être de garantir des conditions de travail optimales pour tous.

Travail et territoire. La France a connu un développement spectaculaire des espaces de coworking. La CFDT Cadres revendique le développement des espaces de travail collaboratifs pour qu’ils soient une véritable alternative aux géants du secteur souvent plus focalisés sur des critères de rentabilité. Ces espaces doivent par ailleurs participer à la vie du territoire où ils sont installés.

Le nomadisme. S’ils sont familiers du télétravail, c’est que les cadres ont depuis longtemps adopté le travail nomade. S’il est devenu de plus en plus facile à organiser, il n’est pas sans conséquence sur la vie des cadres et de leurs familles. La CFDT Cadres revendique la prise en compte du nomadisme dans les critères de pénibilité, de congés de récupération, de rémunération et de reconnaissance de carrière des cadres.

Le management à distance. Le développement massif du travail à distance a souligné le rôle central que joue le manager de proximité dans la réussite de cette organisation du travail. Souvent malmené par certains théoriciens de l’entreprise dite « libérée », il s’est vu confirmer toute sa légitimité en tant qu’acteur clé de l’organisation et la régulation. La CFDT Cadres s’est fortement impliquée dans une certification « Cléa Management  » initiée par l’ANI Cadres de 2020.

Le travail en mode projet n’est pas une nouveauté. Mais pour la CFDT Cadres, l’organisation de l’activité doit être discutée par l’ensemble des parties prenantes et ne pas être la chasse gardée de la direction qui ne communique souvent les priorités, les instructions et les objectifs que dans un mode descendant, sans jamais prendre en compte les avis de ceux qui la coordonnent. Aussi, partout où la demande s’exprime, la CFDT Cadres proposera aux équipes syndicales de les accompagner dans la mise en place de solutions où ces discussions peuvent avoir lieu.

L’intelligence artificielle. Les outils d’IA sont souvent introduits sur des outils numériques préexistants. Le droit à l’information, à la consultation et au dialogue social que toute nouvelle technologie devrait produire, est souvent omis. Cette technologie, méconnue, suscite des craintes et pose des enjeux éthiques et sociaux inédits. La CFDT cadres exige, comme pour toute technologie et pour l’IA en particulier tant elle est perturbatrice, que son introduction soit accompagnée en amont par un dialogue social et par la négociation. Dans ses différents mandats, elle continuera à agir et à se positionner sur le sujet au niveau national et européen au CESE, à UNI, à Eurocadres.

 

Les outils numériques :

- Le développement du travail à distance s’est accompagné d’une utilisation accrue des outils numériques dits « collaboratifs ». La CFDT Cadres réaffirme le droit de chacun à être formé. Elle demande que les équipes de direction des entreprises ou administrations soient attentives aux retours des salariés et de leurs représentants, notamment CSSCT/CHSCT, dans les dysfonctionnements rencontrés sur tel ou tel outil ou mode de fonctionnement, et d’ajuster les outils et les pratiques à ces besoins.

- Par ailleurs, le développement des outils numériques, s’il a permis une mise en place plus rapide du travail à distance a aussi eu pour conséquence d’accroître les moyens de surveillance offerts aux supérieurs hiérarchiques désireux de vérifier l’activité de leurs équipes. La CFDT Cadres restera vigilante quant au déploiement de tels outils.

- De plus en plus d’organisations mettent en place un réseau social d’entreprise. Pour la CFDT Cadres, il convient de discuter de l’utilisation et des règles fixées dans ces nouveaux espaces afin de garantir à chacun la liberté d’y participer à son rythme ou pas.

- Au-delà de la charge de travail ou d’une mauvaise organisation dans l’entreprise, certains salariés font face à une forme plus ou moins grave d’addiction numérique. Le droit et le devoir qu’a chacun de se déconnecter est une nécessité pour tous. La CFDT Cadres poursuivra son travail d’accompagnement des militants dans les organisations pour que ce droit devienne véritablement effectif.

 

Les managers face aux risques psychosociaux. La crise sanitaire et le développement du travail à distance ont exposé tous les salariés en général et les managers de proximité en particulier à une pression accrue. La CFDT Cadres revendique la mise en place d’un dialogue permanent au sein du collectif de travail. Les managers doivent être en mesure de pouvoir eux aussi faire remonter les problèmes sans être sanctionnés sous prétexte qu’ils sont des représentants de la direction auprès des équipes : c’est le droit d’expression des cadres défendu depuis des années par la CFDT Cadres.

La CFDT Cadres poursuivra ses travaux en liens avec ses partenaires et développera des argumentaires à destination des militants qui souhaitent négocier la qualité de vie des cadres dans leur organisation. Pour la CFDT Cadres, les managers ne doivent pas se retrouver seuls face à ces situations et pouvoir faire remonter les cas identifiés aux représentants du personnel, médecins du travail, psychologues, assistantes sociales qui ont, eux, les moyens de répondre aux attentes et besoins des salariés. Elle revendique le développement de la démarche QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail) dans laquelle s’inscrivent les espaces de discussion.

2/ Les mobilités professionnelles choisies

 

Les nouvelles organisations du travail, ce sont aussi les mobilités de tous ordres, les liens qui se défont et se font entre l’individu et l’entreprise, lieu protecteur, entre engagement professionnel dans le secteur public et le secteur privé, entre une succession de contrats de travail de nature différentes, entre des lieux et des organisations de travail distincts.

Mobilités et transitions : construire des transitions face aux changements brutaux. Nous vivions depuis plusieurs années une situation de quasi plein emploi cadres avec un volume record de recrutements atteints en 2019. La pandémie a intensifié les transitions structurelles de l’emploi cadres : le chômage a d’abord touché les cadres des secteurs déjà fragilisés. La multiplication des plans sociaux et ceux qui restent à venir n’épargnent pas les cadres. Face à la baisse actuelle du nombre d’offres d’emploi cadres (-29 %), un nouvel enjeu émerge : l’accès au marché du travail se révélant singulièrement difficile pour les cadres, le maintien dans l’emploi devient un impératif. La reconnaissance de l’expérience et des fonctions d’animation et de management des cadres est parfois fragile en dehors de l’entreprise. Des dispositifs de formation dénommés AFEST (Action de Formation En Situation de Travail) doivent se développer plus largement, notamment dans les TPE PME où les cadres ont un accès difficile à la formation.

Accompagner les situations singulières. La pluralité des natures ou statuts d’emploi au cours d’une « carrière » est désormais établie : multi-activités (plusieurs métiers au cours d’une carrière) et pluriactivités (plusieurs métiers au même moment) se chevauchent, sous des statuts variés cadres puis non-cadres, avec des transitions public-privé. De nouvelles mobilités, spatiales, temporelles, fonctionnelles ont explosé pendant la pandémie. La CFDT Cadres loin de critiquer « un individualisme bloquant » veillera pendant la mandature à éclairer les singularités des situations au nom de ce que nous considérons comme juste pour tous.

Au cœur des transitions : la nouvelle question du temps. Plus que d’engager des mesures cibles sur des groupes seniors ou jeunes, nous construisons le revendicatif pour les cadres dans la dynamique des transitions du Compte personnel d’activité (CPA) existant. Il s’agit de tenter de sortir d’une vision séquentielle de la vie dans laquelle se succèdent une période de formation (on apprend, on étudie, on se forme), une période active (ne dit-on pas « entrée dans la vie active ») et enfin une période de retraite (retrait de la vie active). Le CPA, dans lequel pourrait se loger soit un CET universel, soit un dispositif plus négocié et décentralisé de « banque des temps », pourrait permettre d’engager des mesures cohérentes et continues pour traiter des parcours et des conditions d’emploi.

Les mobilités essentielles de l’âge. Pour faire évoluer ces situations de discrimination et d’exclusion liées à l’âge, la CFDT Cadres demande l’obligation d’un « index seniors » pour les grandes entreprises avec des indicateurs négociés au niveau des branches et de l’entreprise car les discriminations sont toujours contextualisées, et de quelques critères nationaux sur des catégories de salariés. Quand il s’agit de gestion RH, la CFDT Cadres demande que ces questions collectives de gestion des âges ne soient plus posées en termes exclusivement individuels. Le dialogue social d’entreprise doit reprendre vivement sur cet enjeu.

Les jeunes : avant la mobilité, l’intégration et un travail formateur. La première des mobilités professionnelles est l’entrée dans la vie active, à l’issue de la formation initiale des futurs cadres. Pour la CFDT Cadres, cette formation, qu’elle ait lieu à l’université ou dans une école, doit non seulement préparer le jeune à son premier emploi, mais aussi à tout le reste de sa carrière, dans un monde changeant. Elle doit donc le préparer à être un acteur émancipé de son futur parcours, capable d’évoluer professionnellement pour s’adapter aux transitions futures. La CFDT Cadres souhaite la montée en puissance des dispositifs d’acquisition des compétences « travail formateur », efficaces et réactifs.

Les mobilités de métier. Les transformations des métiers s’accélèrent. Certaines transitions sont brutales. Certaines mobilités de métier reflètent un déclassement, et d’autres rendent possibles de nouvelles trajectoires. La CFDT Cadres souhaite que les cadres puissent faire face à des transitions brutales sur leurs métiers par une meilleure qualité de la formation professionnelle. La formation professionnelle doit permettre d’acquérir des compétences transversales qui renforcent réellement l’autonomie des cadres dans l’exercice de leur métier.

Faire des entretiens professionnels, des « entretiens métiers ». L’entretien professionnel reste trop souvent un outil à usage interne pour les entreprises privées, souvent confondu avec l’entretien d’évaluation sur les compétences à l’initiative de l’employeur.

Les mobilités géographiques, le logement et les emplois mobiles. L’amélioration du couplage mobilité professionnelle / stabilité du logement passe par un enrichissement et une diversification en emplois qualifiés des bassins de vie. Cela passe par le développement des tiers acteurs de l’emploi (groupements d’employeurs, travail à temps partagé, coopératives d’activité. Etc.) et celui des appuis coordonnés à l’emploi et aux transitions professionnelles. Un approfondissement de l’approche territoriale de l’emploi cadres sera promu au sein de l’Apec.

Les mobilités empêchées : le droit à l’égalité professionnelle. Le plafond de verre continue à peser sur les mobilités ascensionnelles et la progression salariale. Dans ce combat pour l’égalité portée de longue date par la Confédération, la CFDT Cadres pourra continuer à apporter des éléments de repère en s’appuyant sur les travaux de l’Apec et ceux d’autres organismes d’études et de recherche et à faire connaître les discriminations toujours à l’œuvre parmi les cadres, selon les métiers et les filières. La CFDT Cadres a été à l’origine de la revendication pour un congé de paternité de 2 mois : elle pourrait poursuivre son engagement en mettant sur pied un Observatoire du congé de parentalité.

Parcours professionnels et reconnaissance salariale. La CFDT Cadres revendique la négociation de perspectives salariales dans des classifications rénovées, gage de fidélisation et d’attractivité en articulation avec la reconnaissance et la certification des compétences.

3/ Vers de nouvelles solidarités professionnelles et syndicales

 

Face aux vulnérabilités individuelles, repenser les solidarités collectives. La CFDT Cadres est plus particulièrement investie de longue date dans le champ de l’emploi avec l’Apec. La fusion Agirc-Arrco a supprimé les distinctions cadre/non-cadre du point de vue de la retraite complémentaire et a donné une nouvelle visibilité à la prévoyance obligatoire Cadres à l’occasion de la négociation interprofessionnelle Cadres. La CFDT Cadres soutient la revendication d’étendre la prévoyance non seulement à toutes les catégories de salariés, mais aussi aux TNS (auto-employeurs).

Le nouveau mandat de service public de l’Apec et les orientations stratégiques en direction des publics vulnérables. La nécessité du renforcement de l’inter catégoriel et de l’interprofessionnel pour sécuriser les parcours des cadres tout au long de la vie est devenue plus qu’hier une condition d’efficacité. La CFDT Cadres affirme que l’identité paritaire et son indépendance supposent d’agir en partenariat avec les autres acteurs de l’écosystème emploi, privés, publics, ou partiaires, avec une attention particulière pour les dynamiques territoriales.

Prise en compte des vulnérabilités personnelles par le management. La vulnérabilité des travailleurs, alors qu’on les pensait « invulnérables », peut se faire jour dans un surcroît permanent de charge de travail, dans un sentiment accru d’isolement ou de harcèlement, ou par une accumulation de différents facteurs. Ceci invite les entreprises à développer et soutenir la posture du devoir de vigilance managériale et de capacité d’écoute et de réponse aux situations qui se font jour, aux « demandes d’attention » qui s’expriment avant d’en arriver aux atteintes à la santé physique et mentale.

Face aux vulnérabilités environnementales, passer à l’acte ! La CFDT Cadres demande des pratiques de gestion durable et une gouvernance adéquate. Les objectifs de durabilité ne peuvent s’inscrire que dans une stratégie à moyen et long terme visant à prendre en compte l’impact économique et social des décisions de l’entreprise. Avec les salariés, les enjeux environnementaux et sociaux peuvent également trouver un espace d’engagement (professionnel et citoyen) dans la mise en œuvre (en évolution législative) du devoir de vigilance, pour des entreprises plus responsables et moins vulnérables, plus respectueuses des droits humains.

Face aux vulnérabilités économiques : La question de la R&D. La CFDT Cadres continuera à se mobiliser pour construire une « économie de la connaissance », notamment avec les fédérations, et affichera son engagement pour que les compétences des cadres de la R§D dans des secteurs stratégiques soient valorisées en France et non délocalisées.

Face aux vulnérabilités éthiques. Les questions d’ordre éthique et les enjeux environnementaux vont devenir plus prégnants et sont un vecteur de dialogue et de rapprochement avec les salariés. La reconnaissance dans l’ANI Cadres 2020 par les employeurs de la responsabilité des cadres et de la nécessaire mise en place des espaces d’expression éthique et des droits d’alerte est une avancée.

La protection des lanceurs d’alerte : un contexte juridique en évolution. La CFDT Cadres poursuivra son investissement sur ce chantier qu’elle porte depuis plus de 25 ans tant en direction des cadres et des organisations fédératives intéressées, qu’au sein du collectif porteur de la Maison des Lanceurs d’Alerte. La CFDT Cadres s’attachera à identifier avec les fédérations les secteurs professionnels, entreprises et administrations qui se sont dotés de chartes de déontologie et d’éthique.

Face aux vulnérabilités du monde syndical. La CFDT Cadres peut être promotrice, auprès des cadres en situation de management, des dispositifs de reconnaissance de l’expérience syndicale. Elle pourra demain accompagner les responsables syndicaux vers la certification CléA Management. Pour les cadres eux-mêmes, la CFDT a fait acter dans l’ANI Cadres 2020 que « le droit à l’investissement syndical des cadres doit être garanti  » par les employeurs. La CFDT Cadres poursuivra son investissement externe pour faire connaître l’utilité sociale de l’engagement syndical.

Les identités professionnelles. En vue d’approfondir ces « nouvelles formes du travail » (plus numériques, plus mobiles, plus vulnérables !) la CFDT Cadres fait le choix de conjuguer ces enjeux avec quelques identités professionnelles : les managers, les ingénieurs et experts, les jeunes et les seniors, les cadres de direction, les cadres des fonctions publiques, les cadres des TPE.

Retrouvez le texte intégral en ligne sur congrescadres2022.fr

 

Message de Luc Mathieu, secrétaire national confédéral, au 16ème congrès CFDT Cadres

 

La CFDT n’est pas une organisation catégorielle. Ce n’est pas ce que les cadres lui demandent : ils veulent un syndicat qui défende leur investissement dans les entreprises et les administrations, donc à partir de revendications ancrées dans le monde professionnel inter-catégoriel.
Pour cela, la CFDT Cadres est à la fois un pôle de réflexion, d’innovation, un laboratoire d’idées, et un pôle d’action, autour de l’accompagnement des structures de la CFDT en région et par secteurs.
La syndicalisation et le développement sont les deux pieds sur lesquels repose le développement de la CFDT. C’est particulièrement vrai pour les cadres et cet enjeu majeur traverse toute la CFDT. Confédération, CFDT Cadres et structures confédérées devront construire des dispositifs innovants avec et pour les équipes syndicales pour amener toujours plus de cadres à nous rejoindre.
Et parce que la CFDT Cadres est une union confédérée, elle prend en charge des sujets qui ne sont pas particulièrement des thèmes « cadres » mais des sujets généraux, en coordination avec les services confédéraux. Du télétravail à l’intelligence artificielle, comme sur d’autres dossiers revendicatifs, la CFDT Cadres, par son réseau de militants et d’experts, est bien au service des équipes, quel que soit leur niveau, de la section syndicale à la confédération en passant par des collectifs plus informels. C’est je crois votre souplesse qui fait votre pérennité et votre légitimité.