L’aspiration des travailleurs a changé ces dernières années. La place du travail reste centrale dans leur vie mais ils attendent beaucoup de son articulation avec leurs vies, engagements et contraintes non professionnelles. Ce n’est donc pas de l’augmentation généralisée du temps de travail dont ont besoin les entreprises et administrations mais de souplesse ; les dispositifs existent : accords de modulation du temps de travail, accords de performance collective, forfaits jours et forfaits heures ou encore le dispositif de récupération d’heures perdues… Ils doivent être négociés et managés en bonne intelligence : par exemple, il n’y a pas une mais plusieurs types de semaines de quatre jours, car il s’agit de refuser l’intensification et l’augmentation de la charge de travail.

Cela étant, les aspirations aujourd’hui, ce n’est pas tant de travailler moins, mais finalement c’est de travailler mieux, en tout cas d’être davantage reconnu dans le travail et de pouvoir y mettre du sens. La crise des retraites a exprimé cette attente que la crise sanitaire avait démultipliée : du chômage partiel où l’on est payé en travaillant moins, des interrogations sur l’utilité sociale de son activité, le développement du travail à distance, un emploi très fort des outils numériques pendant les confinements, etc. La parole s’est libérée sur l’intensification, sur l’usure professionnelle, sur les questions d’organisation et d’articulation du travail ; c’est la qualité du management qui a été questionnée, d’autant plus que les carrières sont de moins en moins linéaires, les contrats plus courts et les horaires décalés. Ces questions étaient déjà posées à l’époque des 35 heures mais aujourd’hui elles se posent avec des attentes qualitatives sur le travail et pas seulement par rapport à l’emploi.

À côté de la qualité de la négociation et du dialogue managérial sur l’aménagement du temps de travail, les horaires quotidiens et hebdomadaires, l’autonomie et le forfait jours, etc., la CFDT développe l’idée d’une épargne temps à soi pour aider les travailleurs. Elle revendique la création d’une banque des temps qui doit permettre une meilleure conciliation des différents temps tout au long de la vie. Il s’agit de décompacter le temps de la carrière professionnelle. Cela s’appuie sur un compte épargne-temps universel (Cetu) inspiré des CET mais attaché à la personne durant toute sa carrière, intégrant les changements de statut et d’employeur. Le Cetu serait abondé de cinq jours chaque année, financés par un fonds national interprofessionnel. Plus largement, ce droit peut favoriser les engagements sociétaux, être utilisé dans le cadre de projets professionnels nécessitant une reconversion ou une reprise d’étude, mais aussi en réduisant son activité avant même une éventuelle retraite progressive comme à favoriser la formation des jeunes sortis trop tôt du système scolaire, voire simplement à favoriser l’utilisation de certains congés légaux. Ce projet est articulé avec l’emploi des seniors, le renforcement du bilan et de l’accompagnement de mi-carrière, la prévention de l’usure professionnelle, les aides à la reconversion.

L’aménagement du temps de travail et l’articulation des temps sont bien des sujets identifiés de la CFDT. Ces questions tournent autour de l’organisation du travail, du dialogue social et du dialogue professionnel. La question de l’articulation des différents temps de la vie est devenue l’un des principaux enjeux sociétaux, notamment au regard de l’allongement de la vie active, du besoin d’autonomie accru des individus ou encore des contraintes des proches aidants. La crise sanitaire avait amené de nombreux travailleurs à réinterroger leur rapport au travail, estimant que ce temps n’a pas à envahir les autres temps de la vie qui contribuent également à l’épanouissement individuel et collectif.