Je n’ai en effet aucun mérite mais je revendique mon expertise. L’une de mes clientes, sur un quai de gare : « Tout de même Philippe, faire toute sa carrière sur les classifications, il faut le faire. » À la fin des années 1980, dans le cadre de la formation animée par Renaud Sainsaulieu à Sciences Po, j’ai été invité pour mon stage de fin d’études à me rapprocher d’un DRH pour interroger la classification des ouvriers et ouvrières dans le vignoble et en cave au sein d’une maison de champagne. Le souvenir que j’en garde m’interdit d’appeler cela une entreprise : les groupes de travail au cœur des vignes, les entretiens et observations dans les dix-huit kilomètres de crayères à trente mètres de profondeur dans lesquelles il était facile de se perdre et les salons de dégustation juste en dessous des bureaux de la DRH ont laissé dans mon esprit des traces indélébiles. La force du terrain.
Fier de ma formation initiale en sociologie du travail à l’université de Nanterre, je fus réticent face à la proposition initiale jusqu’à ce que le DRH en question parvienne à me convaincre que le sujet avait moins à voir avec la technique salariale qu’avec une construction sociale. J’avais le fil conducteur de mon mémoire.

Et cela me rappelait cette question extraordinaire – quasi prophétique pour ce qui me concerne – de notre « prof d’éco et socio » en terminale : « Expliquez-moi ce qui justifie qu’un plombier soit moins payé qu’un ingénieur ? », qui nous conduisait à des débats animés, chacun ayant sa petite idée personnelle. Synthèse : il n’y a que de l’histoire, du culturel, de l’acceptable social dans ces histoires de hiérarchies… Et il y a un côté vertigineux ou philosophique passionnant à se pencher sur ces questions.

Durant les cinq années qui ont suivi, au sein d’un institut d’études et de conseil, on a naturellement valorisé mon expérience initiale. J’ai râlé, je voulais apprendre d’autres choses, élargir mon