D’une part, on ne peut plus travailler aujourd’hui sans communiquer[1]. Communiquer entre pairs, entre services ou avec le client, que ce soit en direct ou en ligne. L’univers des services met le travail au centre de quantités d’échanges langagiers parlés ou écrits, à la différence de l’univers taylorien d’hier fondé sur une parole quasi absente du bruit de l’usine. Pour autant, les innombrables paroles échangées dans l’activité au quotidien ne signifient pas, loin de là, que les salariés d’aujourd’hui aient davantage droit à la parole au sujet de leur travail. D’autre part, les transformations considérables qui affectent le travail sont souvent mal connues. Elles se font dans une invisibilité qui met souvent les salariés en difficulté. Le déficit est du côté du récit de ce qui fait le travail, de la réalité des faits qui en sont le ressort. Dans un univers saturé de discours, le manque de récit du travail participe de sa déréalisation. Ces deux dimensions de « parole » et de « récit » méritent d’être revisitées.

Parler du travail

Il y a, disons-le, une tension, pour ne pas dire une certaine souffrance, à devoir beaucoup parler au travail sans avoir la parole sur son travail. Résoudre un problème en équipe, faire face à des aléas, répondre à un client exigeant, interagir en urgence, participer à des réunions en ligne et bien d’autres choses encore, tout cela requiert une activité de communication, pour ne pas dire une compétence qui fait désormais partie du quotidien de millions de salariés, de l’infirmière à l’opérateur commercial, du technicien clientèle à l’ingénieur, du livreur au cadre informatique. Là où il y a problème, c’est que cette compétence communicationnelle amplement sollicitée est le plus souvent déniée quand il s’agit de parler d’organisation du travail, de retour d’expérience, de solutions possibles pour mieux faire, faire autrement. On retrouve, en