Les découvertes récentes concernant les prions, le clonage ou la biologie du développement viennent ébranler le modèle d'un déterminisme génétique étroit, bâti autour des apports fondamentaux de la biologie moléculaire à la connaissance du génome que sont la structure de l'ADN et l'organisation du code génétique.

Dans cet ouvrage, transcription d'une conférence et du débat qui s'en suivit, Henri Atlan s'interroge sur ce réductionnisme qui inscrit un « programme » dans la séquence nucléotidique de l'ADN et y associe une explication mécaniste du développement orienté des organismes vivants. L'auteur, biologiste éminent reconnu pour ses contributions aux théories de l'auto-organisation1, trace les limites de cette métaphore informatique du codage des gènes comme « essence» de la vie en dénonçant la tentation de la causalité unique et le fétichisme qui s'y attache.

Membre du Comité national d'éthique et co-rapporteur de l'avis n° 45 sur « la crise naissante de l'information biologique et médicale », le biologiste théoricien de la complexité attire l'attention des chercheurs, des cliniciens mais aussi des médiateurs et surtout du public sur l'importance fonctionnelle des mécanismes épigénétiques dans l'évolution du génome des organismes vivants. En effet, cette complexité fonctionnelle jusqu'alors insoupçonnée de la relation entre l'état d'expression des gènes et la structure du génome, nous invite à plus de circonspection envers la métaphore du « programme génétique » ou la notion ambivalente de « patrimoine génétique ». Leur utilisation abusive au sein du discours traitant de questions sociétales conduirait à fonder l'éthique biomédicale en matière de thérapie génique, qu'elle soit somatique ou germinale2, sur des malentendus regrettables évitant aux citoyens de s'interroger sur le nécessaire respect de la dignité humaine.

1 : Pour une introduction à cette problématique, lire le premier ouvrage de l'auteur «L'organisation biologique et la théorie de l'information », 1972, réédité en 1992 par Hermann, Paris, 330 pages.

2 : Les thérapies géniques peuvent affecter soit des lignées de cellules reproductrices (germinales) soit des lignées de cellule non reproductrices (somatiques).