La sociologie des organisations se propose de donner des grilles d'analyse aux acteurs engagés dans des situations organisationnelles. Elle est maintenant un vademecum indispensable pour comprendre comment les organisations se constituent, évoluent ou se bloquent.

Dans les années soixante, Michel Crozier a, le premier, posé les bases de cette problématique. La voie qu'il a ouverte connaît depuis une dizaine d'années des développements intéressants que ce livre remet en perspective, en insistant sur leurs complémentarités.

La première approche présentée est celle dite « de la contingence », qui cherche à rendre compte de la structuration des organisations en fonction des contraintes imposées par leur contexte. Actuellement cette approche est surtout représentée par les travaux de Henry Mintzberg qui jouit d'une renommée immense dans les milieux d'affaires et dans l'enseignement de la gestion aux Etats-Unis.

Les auteurs présentent ensuite l'approche de l'analyse stratégique des organisations décrite par Crozier et Friedberg dans « L'acteur et le système » (1977), qui met l'accent sur les stratégies des acteurs et leurs jeux qui composent la trame du « système d'action concret ». Cette problématique fondatrice peut être complétée par l'étude des « régulations » internes, qui, selon J.D. Reynaud (1989) rend compte des modes de structuration institutionnels durables. Enfin l'analyse de la stabilisation de ces relations peut être poursuivie et permettre la mise en lumière des éléments composant l'identité et la culture du système en s'inspirant des travaux de P. d'Iribarne.

D'après les auteurs ces recherches composent la palette des problématiques classiques et sont un socle solide pour rendre compte de l'ensemble des aspects d'un groupe au travail. Mais deux nouveaux courants ont apporté à l'étude des organisations un éclairage différent.

L'approche des « Economies de la grandeur » initiée par L. Boltanski et L. Thévenot s'attache à démontrer que toute organisation fonctionne sur son propre système de conventions implicites, qui ne sont pas susceptibles de renégociation car elles sont inhérentes à l'objet de l'organisation. Les ignorer revient à détacher la forme du fond en somme. Le nom de cette approche paraît hermétique mais il est une simple dénotation du cadre de l'analyse : la grandeur, la petitesse, sont les degrés d'appréciation des valeurs de l'action, et ces grandeurs circulent entre les différents mondes en interrelation dans les organisations, et ont leur propre économie.

Le deuxième nouveau courant présenté, la sociologie de la traduction de M. Latour et B. Callon donne lieu à la description de deux cas particulièrement détaillés qui éclairent la notion de « réseau », fondamentale dans ces travaux. Les auteurs insistent sur les apports incontestablement précieux de cette problématique dans la mise en œuvre de processus d'innovation.

Dans un dernier chapitre les auteurs esquissent leur propre sociologie des organisations, centrée sur l'étude des logiques d'action.

Cet ouvrage n'est pas une nouvelle compilation neutre des différents courants sociologiques mais plutôt un ensemble de connaissances regroupées en vue de leur utilisation concrète. L'extrême précision du langage utilisé permet des synthèses brillantes. Pourtant la compréhension des exposés conceptuels peut être difficile si on n'est pas déjà entraîné à leur maniement.