On pourrait évoquer la complexité technique du dossier, mais les vraies raisons sont plus profondes. Si cette question ne se laisse pas saisir par une stricte logique comptable, c’est que nos représentations sont en porte-à-faux avec la réalité. Il y a un certain décalage, par exemple, entre l’imaginaire de la carrière et son déroulement réel. Le modèle de la carrière pleine, continue, qui se prolongerait jusqu’à un seuil précis (60 ou 65 ans) avant de céder la place à une retraite entièrement vouée au temps libre, ne correspond plus à la réalité. Ne serait-ce que dans les fins de carrière, le taux d’emploi est très faible, et la généralisation des préretraites a contribué à dissoudre cette frontière imaginaire. Il existe de fait, au lieu d’une ligne de partage, une zone grise, variant avec les individus, les entreprises, les métiers. C’est l’ensemble de cette zone grise qui demande à être éclairée, et non pas le seul moment du passage à la retraite.

La retraite à la carte pourrait alors à vos yeux être la solution pour prendre en compte ce jeu de différences ?

Oui, avec quelques nuances. En premier lieu, tout dépend de ce que l’on met derrière ce mot. Pour la CFDT, cela signifie notamment, pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, de pouvoir partir plus tôt : on sait que cette revendication a été prise en compte. Mais sans même parler de ceux qui se crispent sur l’immobilité, pour le Medef, par exemple, la formule cache l’idée de repousser l’âge de la retraite, afin de prendre en compte l’espérance de vie. Il ne faut pas se cacher non plus que, si l’on en tirait toutes les conséquences, une véritable retraite à la carte ne saurait se faire que par capitalisation. Le simple fait de vouloir conserver le système par répartition – et je crois que tout le monde est d’accord sur ce sujet – implique de poser des limites à l’indivi