Depuis le 1er janvier 2012, le dispositif mis en place dans le cadre de la loi du 9 novembre 2010 imposait la mise en place d’un accord collectif ou, à défaut, d’un plan d’action unilatéral pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Dans un contexte ou moins de 8 % des entreprises avaient signé un accord sur l’égalité professionnelle (Rapport Grésy, 2009), ces nouvelles lois, assorties de sanctions, étaient donc l’occasion pour les partenaires sociaux d’amener les directions d’entreprise à négocier.

« L’invitation » à négocier se transforme en « priorité » à la négociation

Il n’en reste pas moins que les modifications apportées par la loi du 26 octobre 2012 s’inscrivent dans une dynamique visant à inciter plus fortement encore à la négociation. En effet, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, la négociation devient incontournable puisque ces dernières devront attester le défaut d’accord par un procès-verbal de désaccord (C. trav. art. L 2242-5-1 modifié). L’objectif est bien de donner une priorité à la négociation : la mise en place d’un plan d’action unilatéral par l’employeur ne peut avoir lieu qu’en cas d’échec de ces discussions. La négociation est une étape obligatoire.

Malgré ces évolutions récentes, les modalités d’application des sanctions restent complexes. Elles permettent toujours à l’entreprise de disposer d’un délai de six mois à compter de la mise en demeure de l’administration. L’action des représentants du personnel reste donc déterminante pour alerter la direction du travail en cas de non respect de ses obligations par l’entreprise et, ainsi, déclencher l’action de mise en demeure de régulariser la situation.

Vers un renforcement des contrôles ?

Autre nouveauté prévue : les plans d’action adoptés depuis le 1er janvier 2012 et en cours à la date de publication du décret doivent être déposés auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), dans les mêmes conditions qu’un accord.

Pour autant, ces derniers feront-ils l’objet d’un contrôle systématique ? On peut en douter. Les accords ou plans d’action « seniors » avaient-ils fait l’objet du même contrôle accru des services de l’Etat ?

Reste à espérer que les Direccte soient dotées des ressources nécessaires pour absorber le flux des plans d’action et accords qui leur seront adressés… Le gouvernement affirme clairement son volontarisme en la matière, notamment dans la circulaire du 18 janvier 2013, qui appelle à une « forte mobilisation des Direccte en faveur de l’effectivité du droit ». Il sera intéressant de faire le bilan de ces nouvelles dispositions d’ici un an.

Des accords plus complets qui intègrent obligatoirement la question des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

L’accord ou le plan d’action doit comporter, depuis le 1er janvier 2013, des objectifs chiffrés dans au moins quatre domaines (dont obligatoirement la rémunération) et non plus trois pour les entreprises de plus de 300 salariés, ou dans trois domaines (dont la rémunération) au lieu de deux pour les entreprises de moins de 300 salariés.

Outre l’augmentation des domaines d’actions, le décret du 18 décembre 2012 rend donc surtout obligatoire d’agir sur les écarts de rémunération. Pour rappel, en équivalent temps plein en 2010, l’écart moyen entre les femmes et les hommes était toujours de 24 %.

Malgré le consensus sur cette question, ce sujet reste délicat et fait l’objet de divergences d’appréciation liées à la difficulté de réaliser un diagnostic de la situation. On ne peut donc que se féliciter qu’il ne puisse plus être écarté par les entreprises dans les discussions.

Le suivi du plan d’action au cœur d’un dispositif axé sur l’évaluation des mesures

Un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes devra figurer dans le rapport annuel (pour les entreprises de moins de 300 salariés, C. trav, art. L. 2323-47) ou dans le rapport de situation comparée (pour les entreprises de plus de 300 salariés, C. trav., art. L.2323-57).

Le suivi du plan d’action devra comprendre les points suivants :

 

  • Le détail des mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle ;
  • Un bilan des actions menées au cours de l’année écoulée ;
  • Une évaluation du niveau de réalisation des objectifs sur la base des indicateurs retenus ;
  • Les explications sur les actions prévues non réalisées ;
  • Les objectifs de progression pour l’année à venir et indicateurs associés ;
  • La définition qualitative et quantitative des mesures permettant de les atteindre ;
  • L’évaluation de leur coût et leur échéancier.

 

Ces items faisaient déjà partie du contenu « théorique » du rapport de situation comparée. Mais, comme le rappelait très justement le rapport Grésy (8 juillet 2009), seule une entreprise sur deux réalise un rapport de situation comparée. Rien de nouveau donc… excepté le fait que, désormais, l’absence de remise de ce rapport est un manquement à la nouvelle obligation légale et donc est susceptible d’être sanctionné financièrement.

La circulaire précise toutefois que la production d’un rapport de situation comparée (ou un rapport unique) n’exonère pas de pénalité financière l’employeur non couvert par un accord collectif ou plan d’action unilatéral.

Au-delà du strict respect de la loi, l’absence de rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes implique une absence de diagnostic de la situation dans une entreprise sur deux.

Négocier un accord, mettre en place un plan d’action suppose de fait un diagnostic préalable : comment se fixer une cible si on ne connait pas son point de départ ? Comment identifier les leviers si on ne mesure pas l’impact potentiel des mesures envisagées ?

Ces évolutions du dispositif législatif ne vont bien évidemment pas régler une fois pour toute la question de l’égalité professionnelle. Néanmoins, ce cadre supplémentaire a le mérite « d’inviter » les directions à négocier.

Il s’agit donc d’une nouvelle occasion pour les entreprises ayant opté pour un plan d’action unilatéral, d’engager une discussion sur le thème de l’égalité professionnelle et, pour les entreprises disposant déjà d’un accord, d’aller plus loin en enrichissant l’accord existant de nouveaux axes de travail.

En bref, que retenir ?

Dès maintenant (à l’occasion de l’avis sur le rapport de situation comparée par exemple), il est possible d’interroger sa direction d’entreprise sur sa compréhension de ces évolutions législatives et la manière dont elle entend en tenir compte.

Si un accord existe dans votre entreprise, il ne faut pas hésiter à l’évaluer en vérifiant notamment s’il contient les trois ou quatre objectifs chiffrés, désormais imposés par la loi.

Si ce n’est pas le cas ou si l’entreprise n’est pas couverte par un accord, il faut demander l’ouverture d’une négociation sur cette question. En cas de refus, il faut veiller à ce que le CE soit consulté quant au plan d’action unilatéral envisagé par la direction. En cas de négociation, il faut veiller à ce qu’elle s’appuie sur un diagnostic préalable de la situation. En cas de manquement à ses obligations, il sera nécessaire d’agir pour défendre les intérêts des salariés, par un rappel à l’ordre via une résolution du comité d’entreprise puis en sollicitant l’action de l’inspection du travail.