Sur le moment, le mouvement de 1986 a été racon té à l’aide d’images et de références évoquant explicitement mai 1968, comme si, au delà de cette formule de la « génération morale », on ne parve nait pas à en saisir la singularité.

Jean-Christophe Cambadélis. Au-delà des démarches, au-delà de ce qui appartient en propre aux lycéens et aux étudiants de 1986, chaque génération connaît des itinéraires et des ruptures, travaille et revisite aussi sa mémoire. Mais quand elle agit, elle met ses pas dans des formes d’organisation et dans les références installées par les générations précédentes. Par exemple, celle de 1986 singe la génération de 1976 et du début des années 1980. Celle-ci essayait d’écrire au dos des feuilles écrites par la génération 68, laquelle rêvait à celle des années 1960. Alors évidemment, toutes ces générations font une histoire mais chaque génération a son histoire.

Le mouvement de 1986 fut un mouvement sociologique politiquement et culturellement charnière. Il combattait en résonance avec les générations précédentes mais faisait ses premiers pas et fondait un nouveau cycle.

Après 1983, suite à la victoire de la gauche, on parle beaucoup de dépolitisation. L’élan n’est plus là, on se demande si les jeunes générations vont s’intéresser à la politique... et 1986 va constituer à ce titre une vraie surprise. Vous qui étiez dans le bain, êtes-vous pris au dépourvu par l’ampleur du mouvement, ou au contraire avez-vous senti qu’il y avait un potentiel, des gens prêts à bouger ?

David Assouline. C’est la phase où je suis personnellement obligé de revoir le fond de mon engagement. Je sens bien une dichotomie assez nette entre les gens qui sont en mouvement, qui se bagarrent,