Quelles sont les conditions de l’innovation dans le travail aujourd’hui ?

Par définition, l’innovation ne se décrète pas mais l’on sait que l’autonomie est l’une des composantes qui peut en faciliter la production. L’autonomie, c’est bien plus que du temps pour réparer sa machine ou répondre à ses mails. Au-delà de l’autonomie fonctionnelle, qui vise à donner à chacun davantage de marges de manœuvre dans ses activités les plus routinières, c’est le cadre même du travail, et notamment de la coopération dans le travail, qui est en question quand il s’agit d’innovation. Le discours dominant aujourd’hui sur la compétitivité reste largement axé sur la compression des coûts salariaux, ce qui me paraît une aberration si l’on veut véritablement développer une politique viable qui ne nous tire pas vers le bas.

Beaucoup d’entreprises ont déjà compris qu’il importe davantage désormais de donner la possibilité de discuter de la qualité du travail, du travail lui-même plutôt que de chercher à ne jouer que la carte des coûts. Il existe un gisement de compétitivité qui est à trouver dans la manière de piloter le travail lui-même. Il est vrai que, en dépit d’un discours moderniste, nombre de grandes entreprises restent prisonnières de modes d’organisation et de gestion traditionnelles (business units repliées sur elles-mêmes, pesanteurs bureaucratiques, peur de la transversalité…), ce qui a pour effet de freiner l’innovation dans le travail.

Afin de regarder ce qui permettrait de changer la donne à ce sujet, j’ai étudié des lieux qui confèrent une réelle autonomie à ceux qui les fréquentent. Ces lieux, les hackerspaces, sont féconds en innovations. Leur originalité est d’être déconnectés des enjeux marchands immédiats et d’échapper aux règles managériales habituelles. Dans ces espaces où chacun vient mener ses projets, les gens travaillent « seuls ensemble ».