En 1968, j’étais, à quarante-huit ans, secrétaire général adjoint de la CFDT. Aux côtés du secrétaire général, Eugène Descamps, qui, croyez-le, prenait toute sa place dans son rôle d’animation, je participais aux décisions dans le cadre de la Commission exécutive et du Bureau national et j’avais en charge l’organisation interne. J’étais aussi le porte-parole de la Confédération, ce qui m’a amené à intervenir fréquemment sur les radios et à la télévision dans cette période troublée mais je n’étais pas présent aux négociations de Grenelle.

Est-ce que la CFDT a vu venir le mouvement ?

Le mouvement étudiant a été une surprise pour la CFDT comme pour beaucoup de mouvements sociaux. Des liens se sont assez vite noués entre Jacques Sauvageot de l’UNEF et André Jeanson du secteur politique confédéral mais au départ la CFDT n’était pas plus engagée que les autres. Si on peut dire que la CFDT a pris le train de Mai en marche, elle l’a bien pris, contrairement à d’autres qui l‘ont fait dévier. Ce que réclamait le mouvement étudiant correspondait bien à ce que pensaient beaucoup d’adhérents et de sympathisants, surtout depuis le congrès de l’évolution en 1964. Les revendications cédétistes d’une transformation de la société et de l’entreprise, d’une certaine façon, précédaient le mouvement de 1968. Edmond Maire, de la fédération de la chimie, parlait d’utopie créatrice et l'autogestion a été revendiquée autour du 13 mai à Montholon. Le concept n'avait jamais été défini de manière précise mais à la CFDT l'idée courait depuis longtemps. Il y avait certes des divergences d'appréciation. Eugène Descamps et quelques autres, qui avaient des liens avec le DGB, avaient vu dans la cogestion à l'allemande des éléments de réflexion alors qu'une tendance plus radicale s'était développée chez les partisans d'une remise en cause de l'entreprise