Ce numéro spécial de la revue, guide du manager CFDT, n’a pas vocation à être exhaustif, même s’il couvre un large périmètre d’actes de management, de pratiques managériales et propose une analyse syndicale des modèles et pratiques en vigueur. Il se veut être une réponse à de nombreuses attentes exprimées par des adhérents CFDT - cadres, experts, managers dans leur entreprise ou leur administration - qui nous ont interpellés ces dernières années sur l’appui que pourrait leur apporter la CFDT Cadres dans l’exercice quotidien de leurs responsabilités. Demande d’appui, de conseil, de soutien, de formation ou d’outils pratiques... Tout comme la constitution de l’offre de formation avec le Crefac, nous entendons répondre à leurs attentes.

Au-delà du service auprès de nos adhérents, c’est également à partir d’un diagnostic d’un état du management jugé insatisfaisant que nous avons entrepris différents travaux, depuis plusieurs années, en lien avec l’Observatoire des Cadres et du management et, plus récemment, avec le Crefac et dans la grande enquête CFDT auprès de 250 000 salariés : 72 % des salariés expriment que sans manager cela ne changerait rien pour eux ; plus de 50 % déclarent qu’ils n’ont pas de soutien de leur manager ; 74 % demandent plus d’autonomie que d’encadrement. »

Nous pensons en effet qu’un autre management est désiré et possible.

Tout au long du guide, en filigrane, se laissent découvrir les espaces où l’autonomie du manager et sa créativité peuvent s’exprimer dans le champ de la relation managériale interpersonnelle et de la responsabilité organisationnelle.

L’autonomie avant d’être la requête d’une concession patronale (dans le privé) ou institutionnelle (dans le public) ou la quête d’un idéal managérial est d’abord une conquête sur le quotidien de sa propre volonté sur les conformismes et sur les logiques uniquement gestionnaires. Cette conquête dans l’action, dans le travail réel, est un marqueur de l’émancipation. C’est une dimension de la construction de son autorité. Le contraire d’une forme de passivité.

La réalisation de ce guide est un élément du travail de fond qui se construit pour soutenir les managers et cadres dans « cette prise de conscience et dans la construction progressive et ininterrompue du développement de leur autonomie » (Dominique Genelot).

L’autonomie est finalement l’un des premiers marqueurs des cadres dans le Code du travail qui parle du travail des cadres (et non de leur statut) au travers de l’instauration du forfait jours. Cette dimension est constitutive. Pour l’acteur syndical l’enjeu est celui d’accroitre l’espace de l’autonomie professionnelle : c’est l’un des objectifs CFDT Cadres revendiqué dans son manifeste et dans la négociation interprofessionnelle.

Cet autre management, c’est aussi celui qui permet d’articuler dialogue social et dialogue professionnel. L’un ne peut exister sans l’autre et les deux ne peuvent se réduire à des démarches descendantes en top-down. C’est bien en repartant du travail, de l’activité et du « professionnel » que doit émerger une parole « portée » dans les processus de prise de décision de l’entreprise et de l’administration dans le dialogue social et au sein de la négociation collective. Le canal hiérarchique de remontée de cette parole et de cette expression coexiste de fait avec le canal de la représentation collective. Mais en s’ignorant le plus souvent. L’un est filtré par les niveaux hiérarchiques, conduisant souvent les directions en réunion d’instances représentatives du personnel à exprimer leur « découverte d’une telle situation » et en remerciant même parfois les élus de cette remontée, même si ce filtre les arrange en les épargnant des « problèmes quotidiens » du travail et de l’activité. L’autre peut tout aussi bien être filtré, retravaillé, interprété, voir manipulé par certains élus qui ne représentent plus qu’eux-mêmes mais en aucun cas une expression collective consolidée des attentes et besoins des salariés. Le risque de la déconnexion des réalités reste permanent. C’est bien pourquoi les deux conditions doivent être réunies : existence de chacun des dialogues et articulation. Articuler, cela signifie créer les passerelles entre les espaces de dialogue, créer les lieux de rendez-vous, selon une fréquence à définir, entre ces deux espaces comme entre les différents acteurs concernés.

Si nous pensons qu’un autre management est possible, nous visons tout à la fois le management des équipes – largement abordé dans ce guide – et le management des organisations de travail. Dans la dernière période, l’ANACT a apporté une vision éclairante de ce qui constitue le travail de management du travail en distinguant quatre plans ou quatre registres d’actions : 1) ORGANISER les dispositifs de travail 2) ANIMER le collectif de travail 3) RÉGULER les interactions 4) SOUTENIR les personnes.

Ces formulations peuvent aider à structurer la vision de son propre management comme un travail72.

Pour nourrir notre réflexion sur le travail de management, le dernier colloque de l’Observatoire des Cadres et du management, qui s’est tenu à Paris à l’occasion des 20 ans de l’Observatoire, arrivait à point nommé. Chacun pourra y puiser des éléments pour sa propre réflexion en fonction de son contexte professionnel.

Pour ma part l’intervention de François Hubault m’a aidé à clarifier ce travail de manager sur 3 dimensions : être « opérateur de cohérence » pour son équipe, lui « donner de l’air » et « développer la ressource immatérielle ». Pour lui, le management est un travail, une activité (créatrice ?) alors que la gestion est dans le registre de l’outillage.

Le volet « donner de l’air » invite à ménager la ressource locale, lui permettre de respirer, notamment en veillant à la qualité institutionnelle de l’organisation, en donnant de la référence, de la règle face à une absence qui serait perçue comme une autonomie négative, une absence de repère déstabilisante ; une autre formulation du « prendre soin » de l’organisation.

Ceci m’a rappelé un concept qui a fleuri quelques années dans mon entreprise, à la RATP, à la fin des années 90 : le concept s’intitulait le « management par l’équipe » et sa traduction dans les trois balises en « S » : Sens, Soutien et Suivi, trois registres d’action à la fois collectifs et individuels.

Il n’est pas inutile pour manager par gros temps ou temps calme de disposer de balises ou de se fixer un cap !

72 : MOOC Anact EM Lyon sur cette approche