Les stratégies européennes à l’OMC et dans les relations internationales illustrent et complètent le nouveau modèle d’action syndicale qui s’esquisse aujourd’hui. L’Europe n’aspire pas à être un super-État. Elle n’en renonce pas pour autant à défendre son modèle social, culturel ou environnemental, et plus largement ses options politiques.

Le secret de la puissance européenne tient à son caractère composite, entre permanence d’une définition classique de la puissance et affirmation d’une logique nouvelle, dont le mot clé est l’interdépendance. Cette logique d’interdépendance tient notamment au fait que l’Europe n’a pas les moyens de jouer franchement le jeu de la puissance : depuis près de 60 ans, les Européens s’en sont remis aux Américains pour assurer leur sécurité, et ils se sont faits à l’idée qu’ils n’en sont pas les garants ultimes. Mais ils ne sont pas entrés dans une logique d’évitement et d’inféodation, développant au contraire des stratégies nouvelles qui esquissent une redéfinition de la puissance.

Cette « puissance par la norme » consiste à produire et à diffuser un dispositif aussi large que possible de normes capables d’organiser le monde. Juristes et négociateurs seraient dès lors les principaux acteurs d’une stratégie qui peut aider l’Europe à imposer ses vues, et en particulier la dimension sociale de sa vision du marché. Les normes se définissent par trois traits : leur caractère négocié et non imposé ; leur légitimation par des instances internationales représentatives ; leur opposabilité à tous les acteurs du système international.

Du fait de son expérience unique en matière d’intégration par les normes, l’Union possède ici un avantage comparatif indéniable. La norme est ce qui lui permet de faire puissance, sans forcément être une grande puissance. La norme est en effet ce qui permet à l’Europe de dépasser la souve