Depuis la formation du nouveau gouvernement, le ministre de l’économie s’est attaqué à quatre dossiers fondamentaux : la croissance et la situation économique, l’Euro et les négociations européennes, le budget et la réforme fiscale, les entreprises publiques et les secteurs publics.

La croissance et la situation économique : Un objectif clair du nouveau gouvernement est de sortir du cercle vicieux de la langueur, dans lequel moins de consommation entraîne moins de commandes pour l’industrie, c’est-à-dire moins d’investissement, donc moins d’embauches, ce qui réduit la consommation. Pour sortir de ce cercle vicieux, le Gouvernement est quelque peu aidé par la reprise en Europe occidentale, mais il accompagne celle-ci, d’une part en ne procédant pas à des prélèvements massifs sur les ménages, d’autre part en stimulant la demande intérieure par le relèvement du SMIC ou la hausse de l’allocation de rentrée scolaire. La reprise est là, elle est solide et ne sera pas affectée par les perturbations venues d’Asie.

L’Euro et la négociation européenne : « renforcer l’Europe pour maîtriser la mondialisation », titre de l’une des décisions adoptées à ce congrès est une belle formule, apprécie le représentant du ministre. Le sommet d’Amsterdam, qui a eu lieu dix jours après la formation du Gouvernement, a mis ce dernier devant un choix : ne pas signer le traité, alors que la parole de la France était engagée depuis le sommet de Dublin, et provoquer ainsi une crise européenne, ou bien signer le traité en faisant en sorte de le compléter. « Raisonnablement optimiste » quant aux chances de réussite du sommet social de Luxembourg, il considère que, pour réussir complètement l’Euro et trouver tout le potentiel de croissance de celui-ci, il convient de constituer, à côté de l’union monétaire, un pôle économique. En effet, le marché, qu’il soit européen ou international, ne doit pas être laissé à lui-même et il y a un réel besoin d’une instance de régulation politique et économique.

Le budget et la réforme fiscale : Après un audit effectué en juillet sur les comptes de 1997, le budget de 1998 a été préparé, sous contrainte de l’objectif des 3 % de déficit. L’effet net des mesures nouvelles est estimé à trois milliards de francs payés en plus par les ménages, sur un total supérieur à mille milliards. Bien sûr, on a plus parlé des mesures d’alourdissement que des mesures d’allégement, qui ont porté sur la TVA et la taxe d’habitation. Le budget a été l’occasion de faire passer les premières priorités du Premier Ministre Jospin, qui sont l’emploi, l’éducation, la justice et la culture. En ce qui concerne les retraites, Monsieur Villeroy de Galhau affirme que « nous sommes aux débuts d’une réforme fiscale » qui sera un « processus progressif » afin d’arriver à un impôt plus juste.

Les entreprises publiques : trois dossiers ont bien avancé, ceux de France Télécoms, de Thomson et d’Air France. L’important est de « regarder au cas par cas quelle est la meilleure stratégie pour l’entreprise et pour la collectivité nationale », et les réponses sont différenciées.

Après cette période, comparée à un cent dix mètres haies, le Gouverne ment trouve devant lui le temps du mille mètres plat, ou temps de la réforme. « Nous aurons réussi ensemble notre pari économique et social » affirme monsieur Villeroy de Galhau « s’il y a plus de croissance, une croissance plus riche en emplois et une répartition plus juste ». Sans être un « keynésien fanatique », il remarque que la consommation a manqué en Europe.

Du côté de l’industrie, il est fondamental d’aider au rattrapage du retard européen dans le domaine des nouvelles technologies de l’information, rattrapage qui ne se fait pas spontanément en France. Notre pays est habitué aux grands contrats qui « tirent » l’industrie, comme l’ont fait en leur temps le téléphone, le ferroviaire, le spatial ou le nucléaire, mais le secteur de l’information se prête mal à la commande publique. Le secteur public peut, en ce domaine, montrer l’exemple mais ne peut pas « tirer » l’économie.

Enrichir le contenu en emploi de la croissance : Dominique Strauss-Kann aime bien parler de « double partage » : entre salaires et profits d’une part, et d’autre part, à l’intérieur de la masse salariale, entre « insiders » et « outsiders ». Le premier partage n’est probablement pas très satisfaisant dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix mais le deuxième l’est encore moins, surtout en France où l’augmentation de la masse salariale a profité à ceux qui avaient un emploi et non aux chômeurs. La réduction du temps de travail peut réussir ce double partage, si elle est l’occasion d’un nouveau contrat social. Pour que ce dernier se mette en place, il faudra trois éléments : de nouvelles organisations du travail, qui soient négociées ; une progression maîtrisée des salaires ; une aide incitative de l’Etat. Si ces trois éléments sont réunis dans les négociations, il devient possible de monter une stratégie « gagnant-gagnant ».

Pour le Ministre de l’économie, une meilleure répartition du revenu exigera la réussite de trois « réglages » : entre les revenus du travail et ceux du capital, à propos du niveau des prélèvements obligatoires, entre générations.

M. Villeroy de Galhau ne souhaite pas « diaboliser » les revenus du capital mais souligne que la répartition de la valeur ajoutée entre eux et les revenus du travail est le partage clé dans l’entreprise, et peut être amélioré par la réforme de la fiscalité. Le basculement de la cotisation maladie vers la CSG est un pas dans ce sens.

Sans se soumettre à « l’idéologie des normes internationales » sur la part souhaitable des prélèvements obligatoires, Monsieur Villeroy de Galhau souligne que, quelqu’en soit l’utilité, ce qui est pris par les administrations n’est plus disponible pour la négociation sociale. Par conséquent, la maîtrise des prélèvements obligatoires serait une façon de favoriser la négociation sociale.

La répartition des revenus entre générations est une des questions les plus lourdes auxquelles a à faire face la société française, d’autant qu’aujourd’hui les revenus des retraités sont supérieurs à ceux des actifs et que la charge des retraites deviendra très lourde dans les prochaines années. En ce qui concerne la question de l’épargne-retraite, le ministre a annoncé une concertation avec les partenaires sociaux, il entend construire une épargne-retraite pleinement compatible avec les régimes de répartition qui demeureront le socle du système de pensions.

Pour résumer tout ce qui vient d’être exposé, Monsieur Villeroy de Galhau propose la formule de « croissance solidaire ». D’après lui, aujourd’hui, « plus rien ne se décrète d’en haut. Si jamais le ministre de l’économie et des finances a pu piloter l’économie française, ce dont je doute d’ailleurs, ce n’est plus vrai et chacun à Bercy en est persuadé ». La croissance solidaire est donc de la responsabilité de chacun. Mais la démocratie économique est-elle allée assez loin ? Les lois « Auroux » ont été une étape importante, il faut peut-être maintenant autre chose.