La dernière fois que je suis allé faire des courses, je suis resté près de 4 heures dans la boutique. Cela n’a rien à voir avec la Covid-19 et les files d’attente dues au couvre-feu. Non, je suis adhérent d’une épicerie coopérative et j’ai travaillé bénévolement trois heures pour le magasin avant de faire mes courses personnelles. Il s’agit d’un concept arrivé en France au début des années 2010, et que j’ai pu étudier dans ma thèse[1].

Ces supermarchés reposent sur un fonctionnement assez simple : seuls les membres qui travaillent trois heures par mois dans le magasin ont le droit d’y faire leurs achats. Tous sont co-détenteurs de l’entreprise, les économies de main d’œuvre ainsi réalisées permettent d’avoir des produits moins chers. Ce sont donc des magasins coopératifs car les consommateurs sont co-propriétaires selon le principe de une personne égale une voix lors des assemblées générales (et non pas « une action égale une voix »). Ce sont des magasins participatifs car ils s’appuient sur le travail direct de tous, à l’inverse d’autres coopératives de consommateurs comme les Nouveaux Robinsons par exemple.

La Louve, le premier de ces magasins en France, a ouvert ses portes en 2016 et aujourd’hui, plus d’une dizaine de coopératives similaires, indépendantes les unes des autres, opèrent sur tout le territoire français. Mais le modèle n’est en réalité pas si neuf. On lui trouve une double origine. D’une part, c’est au 19ème siècle que naissent les premières épiceries coopératives ouvrières comme le Commerce Véridique et Social de Michel Derrion à Lyon en 1835 ou les Equitables Pionniers de Rochdale au Royaume-Uni en 1844. Alors que les premières crises du capitalisme accentuent la pauvreté et que les ouvriers n’ont plus de champ pour autoproduire, la faim se fait sentir. Il s’agit alors de fournir des produits à moindre coût par rapport aux prix exorbitants re