L’entretien avait été réalisé à Montréal par mon collègue Reynald Bourque, avec qui j’avais signé, l’année précédente, un ouvrage qui eut (comme la plupart de mes ouvrages sur ce même sujet !) peu de succès : Sociologie de la négociation. En 2021, le manuscrit de ma Méthode de négociation collective fut refusé par… neuf éditeurs ; ceux qui daignèrent me répondre m’opposèrent le même argument : « Il n’y a pas, en France, de marché pour ce genre d’ouvrages… ». J’ai dû recourir à une plate-forme d’autoédition en ligne, Librinova. Un Abécédaire de la négociation collective s’ensuivit en 2022 ; il eut le même insuccès. En 2024, sur les rayons des librairies ou des bibliothèques de France ne figure donc (hors ouvrages juridiques) aucun manuel de négociation collective à destination des délégués syndicaux et des RRH/DRH.
Il y a donc problème : celles et ceux, employeurs ou représentants des salariés, qui négocient des accords collectifs (68 720 ont été signés en 2022 – dont 51 % par des délégués syndicaux, 21 % par des élus CSE, et 28 % résultant d’un vote aux deux tiers des salariés) ne peuvent s’appuyer sur des manuels ou des guides pratiques pour apprendre ce travail de négociateur ou performer leur pratique par de nouvelles techniques de négociation. Comme si un enseignant de mathématiques ou d’histoire-géographie faisait cours à des élèves de collège sans jamais avoir préparé un Capes dans un Inspé (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation). Comme si un artisan maçon ou un charpentier construisait des murs ou des toitures sans jamais avoir appris ce travail dans des centres d’apprentissage.

Les négociateurs d’entreprise semblent penser qu’ils n’ont aucun besoin de conseils avisés, de modes opératoires et de techniques de mise en compromis ; ils croient, mais ils se trompent !, que négocier est une affaire d’instinct, de débrouille, ou d