La crise sanitaire a, pendant quelques mois peut-être, laissé planer l’illusion d’une réflexion en profondeur sur notre société. Les constats, au fil du temps, se sont faits plus nuancés, avec certes une profusion de contributions au débat public, mais aussi la perception de ce qui ne peut déjà être expliqué[1], la conscience de larges zones d’ombres quant aux effets réels de la crise[2] et d’importantes déceptions sur la prise en compte de la contribution des acteurs qui avaient cru un temps leur utilité sociale reconnue. Le monde associatif, qui n’échappe pas à cette phase critique, peut légitimement s’interroger sur son avenir : pour certains la perspective est très noire, inévitablement tirée par un puissant courant de marchandisation que la crise n’aura fait qu’amplifier, réduisant de plus en plus les associations à un rôle mineur, en tant qu’entreprises de moindre performance, ou en tant que simples opérateurs de politiques publiques ; pour d’autres l’alternative est possible, mais à condition d’un positionnement critique beaucoup plus radical[3]. Différents facteurs sont identifiables quant à leur rôle dans l’inscription dans tel ou tel scénario : sens et intelligibilité du projet, compétences entrepreneuriales, vision stratégique et capacité d’anticipation, modèle économique, inscription territoriale, jeux d’alliances… Un autre élément moins souvent nommé, qui a trait à la capacité à penser le mode associatif, c’est-à-dire en premier lieu à s’émanciper de cadres de raisonnement souvent fermés, mérite aussi d’être examiné en tant que facteur déterminant. Le détour par un autre idéal peut en d’autres termes se présenter comme un préalable à la remise en perspective du rôle des associations dans la société.