La Fédération a une longue expérience d’accompagnement des équipes syndicales sur la qualité du travail, à la fois pour renouveler la critique syndicale sur l’organisation et favoriser l’expression des premiers concernés que sont les travailleurs. Nous partons du postulat suivant : « qui mieux que celui ou celle qui exerce l’activité peut en parler ainsi que de ses effets ». Alors que se dessine depuis plusieurs années une politique syndicale sur la QVT (puis Qualité de Vie et Conditions de Travail, QVCT), le réseau « travail » fédéral aide depuis une dizaine d’années[1] maintenant les syndicats et les sections à renouveler le dialogue social et le syndicalisme autour de la mise en débat de l’activité de travail. L’expérience la plus connue est celle de l’usine Renault à Flins car la CFDT a soutenu la démarche de la chaire de psychologie du travail du Cnam[2].

Nous accompagnons les sections qui souhaitent élaborer leur cahier revendicatif sur les questions du travail. Cela se fait au moyen d’une enquête auprès des salariés – jamais à distance ou en ligne – le but étant que les militants reprennent le terrain auprès des salariés. Cette démarche est très formatrice et mobilisatrice. Les sections sont accompagnées par des « référents » qui, sur le territoire, bénéficient d’une solide formation fédérale de 9 jours. Il y a un référent accompagnant la section qui place ainsi, en dépouillant, les résultats, les questions des salariés, au cœur du syndicat. Chaque année, la Fédération réunit les référents – une quarantaine par an – pour partager ce qui a été entendu et analysé.

Ces « référents fédéraux travail » sont au nombre de 28 à fin 2023 et une dizaine de nouveaux référents seront formés sur 2024. Ils sont accompagnés par un « groupe ressources »[3] national composé des acteurs qui, depuis une dizaine d’années, suivent le projet, s’en nourrissent et assurent la transmission de l’expérience acquise. On peut dire que la FGMM progresse ainsi elle-même au fil des ans. Nous avons la conviction commune que le collectif syndical se fait à partir des questions du travail. Dit comme ça, c’est le choix de revenir à des fondamentaux. Parler du travail, c’est en effet donner la possibilité aux salariés de s’exprimer sur ce qu’ils connaissent le mieux ; écouter et restituer, c’est ce que les représentants syndicaux savent eux faire avec conviction. Ce jeu de l’enquête permet aux salariés de pouvoir enfin s’exprimer sur la qualité de leur travail. Cela permet notamment de redonner de la dignité aux travailleurs, et ça nous y tenons absolument.

À noter que nous ne prenons pas la place des managers, que ce soit clair. Nous articulons le dialogue social et le dialogue professionnel. Au premier, formel, de traiter des enjeux structurels longs, au second de permettre à chacun de s’exprimer pour « bien réaliser son activité de travail ». Et à nous, syndicalistes, d’apporter un rapport de force constructif au plus proche du travail. Les militants sont submergés de sollicitations et de réunions, ils sont aussi trop souvent mis à distance du travail réel, notamment par les directions, et parfois les managers, alors notre démarche reconnecte travail et syndicalisme. On appelle ça un regard « augmenté » sur l’entreprise !

Si cette enquête est pensée pour agir localement, celle-ci prend une autre dimension à l’échelle d’un groupe. En effet, si tous les sites font l’enquête, alors cela permet de façon globale de faire des comparaisons entre les sites… Où fait-il bon travailler ? De la même façon, si cette démarche est portée par un syndicat sur un territoire, cela peut bâtir des revendications territoriales voire nationales.

Cette démarche permet d’établir un rapport de force constructif, basé sur des analyses du terrain, au plus près des salariés, afin d’établir des revendications individuelles et collectives mais aussi lors de négociations d’accord QVCT.

[1]--Cf. Jean-Luc Collin, Une pratique syndicale sur le travail. La QVT pour renouveler le dialogue social, Cadres n°468, mars 2016, et Vincent Bottazzi, Jean-Luc Collin, Michel Sailly, Emmanuel Couvreur, « Des espaces de discussion au service de la capacité d’action des salariés », La revue de l’Anact, déc. 2015. [2]--Cf. Y. Clot, « La discussion sur le travail est un jeu à trois », Cadres n°498, juillet 2021. [3]-Wilfried Belloir, Vincent Bottazzi, Vincent Cabot, Jean-Luc Collin, Emmanuel Couvreur, Didier Damerose, Franck Daout, Christophe Dutheil, Jean-Pierre Laurennsson, Yves Lichtenberger, Vivien Orléach, Fabien Pernot, Michel Sailly.