L’action militante des altermondialistes ne se développe pas seulement dans la rue, mais aussi sur internet, notamment avec ce que vous appelez le « hacktivism ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Ce néologisme est composé de hacker (pirate) et activist (militant). Il reflète la rencontre récente de deux types de mouvements, qui représentent aussi deux ensembles de communautés. Le premier, c’est le monde des hackers informatiques, une communauté déjà ancienne et plutôt bien organisée, avec un réseau solide et même une présence publique : des conférences, par exemple. Cette communauté est constituée d’informaticiens militant contre les géants du secteur, soit par la conception de virus ou de vers, soit par la promotion de logiciels et progiciels gratuits, au code source ouvert, le meilleur exemple restant le système d’exploitation Linux. Le sens politique que l’on peut donner à leur activité reste cependant secondaire, l’essentiel pour eux est plutôt de rivaliser d’intelligence dans la conception de programmes.

Tout cela commence à changer dans la deuxième moitié des années 1990, quand la communauté des hackers commence à nouer des liens avec une nouvelle génération de militants politiques. Héritière des mouvements qui dans les années 1960 et 1970 défendaient les droits des Noirs, des femmes, des homosexuels, l’écologie ou l’autonomie régionale, cette deuxième génération est marquée par une nouvelle forme de radicalité. Elle s’est trouvé un dénominateur commun avec la mondialisation, mais l’image d’un mouvement « antimondialiste » (le terme d’altermondialiste apparaît plus tard, et n’a pas encore d’équivalent en anglais) ne doit pas cacher l’émiettement d’un paysage militant aux combats essentiellement spécifiques ou locaux. Evidemment, ces combats ont pour la plupart une résonance plus l