Le coaching est-il le signe d’une humanisation du capitalisme comme l’affirment ses promoteurs ou bien le vecteur d’une instrumentalisation de la subjectivité comme le dénoncent ses contempteurs ? À distance des postures tant laudatives que dénonciatrices, la vaste enquête ethnographique que j’ai menée auprès de coachs, de DRH et de cadres coachés[1] a permis d’éclairer les conditions d’exercice du coaching et de ses usages au sein des organisations, dégageant plus largement le phénomène social dont il est à la fois un révélateur et un vecteur. Les transformations du travail et des modes de mobilisation de la main-d’œuvre dessinent en effet les contours d’un « tournant personnel du capitalisme » qui place au centre la personne de celles et ceux qui travaillent, érigeant leur personnalité en compétence de savoir-être – les fameuses soft skills – et affirmant contribuer à leur bien-être et à leur réalisation de soi. L’analyse systématique, tant des coachs que de leur pratique, est l’occasion de saisir ce tournant sur les deux scènes où il se joue, à l’intérieur comme à l’extérieur des organisations, à travers l’examen des deux figures emblématiques du « manager-coach » et de « l’entrepreneur de soi ».
Mobilisant des techniques de développement personnel inspirées de la contre-culture des années 1960 et de ses conceptions antihiérarchiques initialement contestataires du capitalisme, le coaching prend son essor en entreprise dans les années 1990, à un moment où celle-ci connaît de profondes mutations. Les évolutions technologiques ont rendu le travail plus relationnel. L’introduction d’organisations du travail flexibles et de la production en flux dans les années 1980 a en effet rendu cruciale la circulation de l’information, instituant la réactivité, la prise d’initiative et la coopération en compétences clés. Les modes d