Les grandes entreprises de fabrication de téléphones ou d’ordinateurs fonctionnent selon le principe du « zéro stock ». Quand le client commande un appareil et le paye par carte de crédit, l’entreprise enclenche le processus de fabrication de l’objet avec les options et caractéristiques demandées. La livraison est faite dans des délais très brefs (vingt-quatre ou quarante-huit heures). Dans ces entreprises en flux tendu, les salariés n’ont pas d’horaires pré-établis : selon le nombre de commandes passées, la journée de travail pourra être de six ou de quinze heures. Le personnel de production, plutôt jeune, masculin et blanc, travaille dans des locaux modernes, propres et exigus, reçoit un salaire, des prestations sociales et a droit à des stock options. C’est ce salariat efficace et enthousiaste qu’on nous montrait. En syndicaliste fouineuse, je suis allée voir un peu plus loin et j’ai constaté qu’il n’y avait pas qu’eux qui travaillaient sur place. Derrière un rideau, il y a des noirs et des hispanophones qui assurent la manutention, l’emballage et le transport dans des conditions qui paraissent invraisemblables à des Européens. Appartenant à une entreprise de sous-traitance, ils ont des salaires très faibles et n’ont aucune protection sociale. Leur rêve est de passer un jour de l’autre côté du rideau mais il ne devient pratiquement jamais réalité.

Un discours messianique incantatoire

Quant aux jeunes gens employés par ces entreprises de haute technologie, ils disent être heureux de travailler dans ces conditions. Ils ne savent pas d’un jour à l’autre combien de temps ils vont rester à l’usine mais ils s’en moquent. Ils nous disaient ne pas vouloir de syndicats, car leur relation avec l’entreprise est une relation purement personnelle. Le matin, quand on ouvre son ordinateur, on trouve le bonjour de s