S’interrompre dans une activité pour répondre à un appel téléphonique, s’engager simultanément dans plusieurs projets, improviser en situation une réponse face à un problème qui vient de survenir, arbitrer entre des mots d’ordre contradictoires, concilier relations professionnelles et personnelles, sont autant de situations auxquelles un travailleur est fréquemment confronté.

Ces phénomènes de fragmentation, de démultiplication et de mise en parallèle des actions touchent de près les travailleurs, d’autant qu’ils sont confortés par des changements liés aux modalités de mobilisation de la main-d’œuvre (mode de management par projet, mobilisation de la subjectivité, etc.) (Datchary 2011). Or, la dispersion reste souvent relativement invisible ou enfermée dans des interprétations morales ou pathologiques.

Bien sûr, la dispersion telle qu’elle est définie selon son acception courante est présente au travail : par exemple les échanges de plaisanteries entre collègues, mais aussi les situations de surcharge qui font que le salarié se retrouve dans l’incapacité de focaliser son attention. Il existe une abondante littérature à ce sujet qui montre que dans de tels cas, les personnes ont tendance à se perdre dans de petites tâches qui s’accomplissent rapidement et qui ne demandent pas beaucoup d’attention, plutôt que dans des activités plus mobilisatrices qui se trouvent pourtant souvent être les plus décisives – on parle alors de procrastination (Lahlou 2000).

Une dispersion induite par l’environnement de travail

Mais la dispersion n’est pas toujours synonyme de relâchement voire de manque d’attention. Parfois elle est directement induite par l’environnement de travail. De nombreux artefacts technologiques conçus pour attirer l’attention de leur utilisateur peuplent les environnements de travail.