Retour à la « vieille Europe », dans cette section journal dominée une fois encore par le thème de la réforme : celle des universités britanniques, celle(s) des finances publiques françaises, qui montrent que nos Etats-Providence, loin d’être épuisés ou d’être cantonnés à une défense d’arrière-garde, restent capables de se moderniser pour mieux servir l’idéal d’égalité qui les a fondés.

La réforme des universités lancée par Tony Blair pourrait être considérée comme... un cas d’école. S’il y aurait beaucoup à dire sur les orientations politiques et sociales du New Labour, si cette réforme est loin d’être parfaite, on ne peut lui contester ni son audace, ni son caractère authentiquement social. Il s’agit pourtant d’une libéralisation du système, qui pourrait aboutir à un doublement des frais d’inscription. Les amateurs de lectures simplistes dénonceront le thatchérisme masqué du locataire du 10, Downing Street, mais la réforme pose une question de fond : comment faire progresser l’égalité ? Elle y répond d’une façon sans doute imparfaite, mais inventive.

L’idée communément répandue d’une impuissance sociale ne naîtrait-elle pas d’un manque d’imagination ? La posture défensive adoptée par nombre d’acteurs occidentaux, à commencer par les Etats, ne tient pas seulement aux contraintes du réel, mais aussi à une difficulté à reconnaître les possibilités qui nous sont offertes. Des outils s’inventent ; encore faut-il vouloir les utiliser. Les changements d’échelle de la mondialisation sont aussi l’occasion de découvrir d’autres solutions, de confronter nos cultures politiques et sociales à des modèles qui vaudront moins par leur perfection que par leur différence. C’est tout l’intérêt du travail mené par des institutions comme l’IRES que de mettre en évidence les expériences étrangères, et de renouveler ainsi les outils à notre disposition. Des concepts économiques récents, comme la réputation, peuvent ainsi offrir à l’action syndicale un appui inattendu.

Il s’agit, en somme, de retrouver des marges, d’élargir le champ des possibles. Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, de renoncer à toute posture critique : François Fayol et Monique Boutrand nous rappellent au contraire que sur des sujets comme la réforme des finances publiques ou la gestion des fins de carrières, il n’est pas question de s’en tenir à ce qui est. C’est toute la différence entre un syndicalisme de progrès et un syndicalisme de conservation.