L’échec du référendum ne signifie pas la mort de l’Europe, et le titre alarmiste de Renaud Dehousse cache une réflexion sur les stratégies nouvelles d’un projet européen parvenu à la croisée des chemins.

Y aurait-il un bon usage du « non » ? Européen convaincu, l’auteur tente en tout cas d’entendre le message de ceux qui ont rejeté la Constitution, de comprendre sa signification sociologique et ses issues politiques.

Louable entreprise, car ceux qui, intellectuels et politiques, ont milité pour le rejet du traité ne sont pas les uniques dépositaires du suffrage. Ils ont pu proposer au « non » leurs formules, mais la signification du scrutin ne se réduit pas à l’interprétation qu’ils ont pu ou pourront en donner.

La thèse de Renaud Dehousse est simple, et on pourrait dire qu’elle sonne juste. Les Européens, explique-t-il, adhèrent à l’Europe tant que celle-ci s’efforce de régler des problèmes concrets. Ils s’en détachent en revanche quand elle devient abstraite, on les invite à débattre de problèmes institutionnels plus ou moins abstraits, dont la complexité les renvoie à une forme d’étrangeté ou de dépossession. Cette Europe-là ne leur appartient pas, et en un sens ils ne lui appartiennent pas. Ou, plus précisément, ils refusent de s’y abandonner. Proposer une constitution à l’Europe, c’est postuler l’existence d’un peuple européen qui n’existe qu’imparfaitement, et qui ne peut se saisir comme un peuple sur des sujets suscitant sa défiance. Tant qu’il n’y aura pas de peuple européen, il ne servira à rien de proposer une constitution à l’Europe.

Approfondissant son analyse de la portée sociologique du scrutin référendaire, Renaud Dehousse observe que le débat sur la Constitution a été recouvert par un autre débat, plus explosif, celui sur l’ouverture au monde.

A cet égard, le référendum a révélé une fracture profonde de