Pour l’opinion des Français, les comités d’entreprise sont des machines à distribuer des avantages réservés à ceux qui ont la chance de travailler dans des grandes entreprises. Les bons d’achat, les colos, les séjours, les voyages, les chèques vacances, la billetterie, la cantine, le soutien scolaire, la mutuelle seraient la contrepartie des dividendes du capitaliste, une sorte de salaire complémentaire. Le salarié du secteur public dispose parfois d’un système équivalent, rarement celui des PME.

A cause d’une tradition de négociation d’accords et du rôle des CE, les avantages sociaux sont réputés supérieurs dans ces mêmes grandes entreprises. Par exemple, la RTT, acronyme encore presque inconnu il y a dix ans, y est devenu un élément du quotidien alors que pour l’immense majorité des PME elle est inaccessible et que dans le service public, elle s’est percutée avec les réductions budgétaires rendant déceptive une des principales revendications des salariés. Cette frustration est ressentie comme l’idée que tout va toujours aux mêmes.

Depuis leur création les grands comités d’entreprises offrent chaque année un peu plus pour un peu moins cher à des salariés pourtant de moins en moins syndiqués et de moins en moins attentifs à l’appartenance syndicale des élus. D’autant plus que la loi française sépare strictement les rôles des institutions représentatives du personnel entre négociation, défense individuelle et CE et que le rôle économique du CE confine de plus en plus à l’expertise d’un petit nombre. Les œuvres sociales attirent les militants épris d’action concrète.

Pour les militants de la CFDT élus dans les comités d’entreprise et engagés dans la construction du syndicalisme mondial, il y a là une contradiction et une perte de sens. Surtout dans les groupes transnationaux.

Une piste prometteuse

Comme pour l’insertion par l’économique, la santé, la formation, le spectacle vivant ou l’éducation populaire, l‘engagement des élus des comités d’entreprises français et européens dans le commerce équitable au sens le plus large offre une des pistes les plus prometteuses pour résoudre cette contradiction entre gestion et choix de société et redonner du sens à leur militance. L’écologie du développement et les migrations économiques du sud vers le nord et de l’est vers l’ouest sont des défis soumis à notre responsabilité. Les élus des comités d’entreprise peuvent les relever avec une efficacité particulière. Les salariés qui partent une semaine en Afrique, en Asie ou en Amérique Latine avec leur CE, les convives des restaurants d’entreprises qui consomment des produits d’importations venus de pays pauvres, les achats groupés, les cadeaux de fin d’année représentent un marché de plusieurs milliards d’euros.

Le commerce équitable donne une plus juste rémunération aux travailleurs. Il favorise notamment la scolarisation des enfants et la prévention sanitaire. Il est souvent associé à l’agriculture biologique et au développement durable. Les confédérations syndicales de salariés partagent cet objectif, et la CFDT est plus que moteur dans ce combat. Le poids économique des milliers de CE qui choisiraient de s’assurer de la provenance des achats ou de la possibilité pour les salariés d’achats responsables donnerait au commerce équitable une dimension nouvelle. Comme l’achat de produits de l’agriculture biologique par les collèges des grandes villes, cet échange donne au mot commerce tout son sens.

Relever le niveau des salaires et des conditions de travail dans les pays les plus pauvres, instaurer un droit du travail et une politique de l’environnement, c’est aussi l’intérêt des salariés français face aux délocalisations. C’est l’intérêt de tous de mettre en œuvre une politique de responsabilité sociétale des comités d’entreprises.

Les CE peuvent agir directement par des achats et une pédagogie vers les salariés. Ils peuvent aussi agir vers les entreprises par l’accueil de stagiaires étudiants porteurs de projets de développement et par la mise en œuvre de congés solidaires. En France, ils peuvent aussi organiser des partenariats avec les communautés venus des pays concernés.

Emploi, culture, loisirs, santé, éducation, logement, le champ des comités d‘entreprise est vaste. Encore faut-il que l’action y ait suffisamment de sens pour mobiliser les énergies.