Depuis fort longtemps, la fiscalité occupe une place majeure dans le débat sur les politiques publiques. Les prélèvements obligatoires sont-ils trop élevés ? Les différents impôts sont-ils équitables ?

Les réponses apportées à ces questions divergent fréquemment suivant la tradition disciplinaire mobilisée, économie ou droit, et selon le point de vue théorique adopté, économie financière publique ou économie néo-classique. L’ouvrage de Jean-Marie Monnier, maître de conférences à l’Université Panthéon-Sorbonne, a pour ambition d’intégrer la double dimension, juridique et économique, des prélèvements obligatoires pour montrer comment s’élaborent les politiques fiscales, étudier leur incidence sur le système redistributif et explorer les pistes d’une éventuelle réforme du système de prélèvements.

Le premier chapitre de l’ouvrage tente de saisir la nature des prélèvements obligatoires, tout d’abord en délimitant leur contenu puis en précisant les modalités techniques de leur recouvrement. La nature des prélèvements obligatoires est examinée du point de vue de leur rôle dans les budgets publics et de leur impact sur les mécanismes de régulation économique et sociale.

Le débat sur les limites de la pression fiscale est abordé dans la seconde partie de l’ouvrage. L’approche des économistes de l’offre est présentée à travers le modèle de Canto, Joines et Laffer, caution scientifique des politiques de baisse des prélèvements obligatoires. Une analyse critique de la mesure de la pression fiscale est conduite sur la base de comparaisons internationales concernant l’intervention économique publique. Le choix du taux global de prélèvements obligatoires comme mesure de référence suscite ainsi des objections majeures évoquées par l’auteur.

Le troisième chapitre présente une comparaison des structures fiscales des différents pays de l’Union européenne. Les pays y sont comparés en termes d’assiette fiscale et de ses répercussions immédiates sur les principales grandeurs économiques. La nature juridique des prélèvements obligatoires est également étudiée pour mettre en évidence la situation atypique de la fiscalité française au sein de l’Union européenne.

La quatrième partie présente les politiques fiscales du point de vue de l’économie publique standard en termes d’optimalité. Dans le cadre de l’économie normative, le problème de la taxation optimale relève de la maximisation par l’Etat de sa fonction objectif lui permettant d’arbitrer entre les divers intérêts privés. Les critères d’efficacité et d’équité sont examinés à la lumière des politiques de prélèvement : taxation efficace de la consommation et des revenus, choix de l’assiette, équité horizontale (quotient familial) et verticale (seuil de non imposition).

Le cinquième chapitre de l’ouvrage étudie les profils redistributifs des prélèvements obligatoires et l’impact de la décentralisation sur la fiscalité. Les études menées sur le système fiscal français, s’appuyant sur l’analyse des cas-types et l’enquête sur le budget des familles conduites par l’INSEE, concluent de manière convergente à son caractère faiblement progressif et redistributif. L’entrée en vigueur des lois de décentralisation a instauré une répartition claire des compétences entre l’Etat et chaque niveau de collectivité territoriale, mais cette réforme n’a malheureusement pas été complétée par une refonte du dispositif complexe et hétérogène de la fiscalité locale française.

La dernière partie de l’ouvrage traite des déformations que peut subir le système fiscal, soit du fait de l’interventionnisme des pouvoirs publics, soit du fait de l’évasion et de la fraude fiscale opérée par les agents économiques. L’interventionnisme fiscal occupe une place particulière dans les pays en développement pour favoriser les investissements financiers et l’installation d’entreprises. Concernant la fraude et l’évasion fiscale, outre la difficulté d’en estimer précisément l’ampleur, l’ouvrage note l’inégalité des contribuables devant ce phénomène.

Conçu comme un manuel pour étudiants, l’ouvrage se signale par sa clarté et son parti pris pédagogique, témoin le Quiz fourni en annexe. Mais cette excellente introduction aux questions fiscales trace également les pistes d’une réflexion citoyenne sur l’équité devant l’impôt.

1 : A propos de novembre-décembre 1995.