Cet ouvrage dénonce l’abus du terme « non qualifié », que l’on applique aujourd’hui à nombre d’emplois mal rémunérés mais nécessitant des compétences diverses et de plus en plus pointues. Si le travail non qualifié a pu se développer avec les organisations tayloriennes qui valorisaient la production quantitative et mettaient l’homme au service de la machine, la production de masse a laissé place à celle du sur-mesure et l’industrie a su (ou pourrait) robotiser toutes les activités répétitives qui ne nécessitent pas de spécificités humaines.

Paul Santelmann remarque pourtant que nombre d’acteurs économiques, et pas seulement les entrepreneurs, acceptent d’inclure sous le label « non qualifié » un grand nombre de salariés hybrides qui n’ont en commun que leurs conditions de travail précaires et l’absence de reconnaissance des compétences.

Celles-ci sont pourtant nécessaires au bon développement de leurs activités. Les organisations de travail font et feront de plus en plus appel aux compétences collectives des différents acteurs agissant sur un même process, tant en qualité d’ouvrier, de technicien que d’ingénieur. Ainsi, chaque agent doit comprendre l’activité qui lui est demandée en la situant dans le processus complet, en donnant du sens à ce qui est fait en amont et en aval. L’ingénierie de formation doit accompagner cette évolution en réhabilitant les savoirs fondamentaux, nécessaires à la bonne compréhension de l’environnement.

L’auteur souligne la part de plus en plus importante que les nouvelles activités requièrent en autonomie et initiative pour chaque agent affecté à un processus donné. Il interpelle les syndicats pour qu’ils aident à la réussite de cette formidable mutation ; et on peut noter qu’une responsabilité particulière revient ici aux cadres syndiqués : la reconnaissance des compétences, la valorisation du travail, la confiance, avant d’être des outils de management, sont des valeurs syndicales. La culture nouvelle que Paul Santelmann appelle de ses vœux est une occasion de les mettre en pratique.

Beaucoup de choses restent à faire, en effet. On s’accordera par exemple avec l’auteur quand il dénonce le fait que les politiques de formation continue ne profitent pas à ceux qui en ont le plus besoin. Il y a là une question qui n’intéresse pas seulement le bon fonctionnement de l’organisation, mais celui de la société tout entière. La formation continue permet de combattre les effets pervers de l’élitisme et de la « reproduction sociale » en amenant des salariés à des niveaux d’emplois jusqu’ici presque exclusivement réservés aux diplômés issus de la formation initiale. L’accompagnement des salariés non diplômés et non qualifiés doit devenir une vraie priorité. Parions que si les acteurs économiques et sociaux savent concevoir les processus de formation tout au long de la vie et de VAE, il n’y aura plus de laissés pour compte.