Le créatif de pub ? Un être à part, un marginal. Un rebelle au tempérament artiste, aussi réfractaire à l’autorité qu’aux règles qui gèrent la vie commune en entreprise. Même engagé en contrat à durée indéterminé, il se distinguera par son indépendance, ses horaires décalés, son comportement imprévisible, son extravagance vestimentaire : telle est la perception qui a longtemps inspiré la doxa des agences comme celle du grand public.

Ce n’est pas un hasard si l’iconographie populaire des années soixante-dix et quatre-vingt l’assimile à un agréable professeur nimbus, ordonnateur d’un chaos de mots et d’images où finit par affleurer la vérité d’une marque, d’un produit, qui se condense en un slogan, concept finement ciselé, déclinable à souhait et susceptible de créer de nouvelles parts de marchés. Du très sémillant Jean-Pierre de la série télévisée créée par Sol Saks1 au génial Homme à Idées de Gotlib 2 en passant par le très lunaire Pierre Richard dans Le Distrait3, tous ces personnages ont un point commun : la capacité de mener leur activité professionnelle au gré d’une imagination débordante, indépendamment de tout contexte social ou sociétal, sans se préoccuper de quelque arrière-plan économique, éthique ou concurrentiel. Un être dont les traits de caractère - originalité, distraction, insoumission aux contraintes habituelles du monde du travail - se présentent comme autant d’attributs de l’artiste (dont la liberté guidée par le seul impératif moral et esthétique du « fais de ta vie une œuvre d’art » constituerait la plus parfaite antidote au morcellement de l’expérience humaine, nous rappelle le critique d’art Nicolas Bourriaud4, qui reprend à son propre compte la critique de la division du travail qu’av