L’ enjeu de notre travail, c’est la capacité transformative à la fois de la personne accompagnée et du professionnel qui l’accompagne. Nous les soignants parvenons à ce que j’appellerais une certaine estime professionnelle que nous nous reconnaissons à partir du moment où nous réussissons collectivement à être agents de transformation. Cela ne veut pas dire que nous devions avoir la haine des logiques de conservation et des résistances au changement à l’œuvre dans les systèmes intersubjectifs auxquels nous sommes confrontés, mais plutôt que nous en proposions à la fois la reconnaissance et le contournement pour que le devenir advienne, que les entraves développementales soient levées.

Les professionnels du soin obéissent a priori aux mêmes normes que tout un chacun. Comment donc font-ils pour investir ceux que la société tend à dévaloriser ? Comment font-ils pour aimer ceux que le regard social désigne comme non aimables, ceux à qui très exactement on ne voudrait pas ressembler ? C’est là que nous avons besoin de nous raconter autre chose que ce que dicte le regard social. Nous écarter des représentations sociales standards, pour construire d’autres représentations, aller vers une autre construction du monde, tout en restant dans le même monde que nos commanditaires, ceux que nous nous accompagnons, nos collègues et partenaires, tout simplement parce qu’il n’y en a pas d’autre et que c’est la seule chose qu’en dernière analyse les humains partagent : un monde en commun.

La fonction du récit dans le travail social

En ce sens, le métier de travailleur social, c’est de faire des histoires, intelligibles et transmissibles. A partir de ce qui peut être jugé par ailleurs négativement comme déficience, maladie, incapacité. Les travailleurs sociaux sont des emmerdeurs professionnels au pays de la fonctionnalité