Les ingénieurs forment aujourd’hui en France un groupe professionnel apprécié, estimé de la société civile et valorisé par les entreprises qui n’hésitent pas à les embaucher : de toutes les catégories professionnelles, les ingénieurs sont les moins touchés par le chômage. Cette position sociale et économique enviable paraît se fonder sur une tradition ancienne de reconnaissance de leur rôle technique et scientifique tant par l’Etat que par le monde industriel. Les grandes écoles dans lesquelles ils sont formés n’ont-elles pas, pour les plus anciennes, près de 250 ans d’existence ? Aussi, pour le grand public, les ingénieurs constituent-ils, depuis plus de deux siècles, une profession solidement établie dont les compétences et l’expertise ont été mises au service de la nation pour favoriser le progrès économique et le bien être social.

Les travaux que les historiens ont consacrés aux ingénieurs écornent quelque peu cette image flatteuse. La réalité qu’ils mettent à jour est beaucoup plus complexe montrant plutôt une population hétérogène, traversée de courants contradictoires et ne se constituant que lentement en profession bien définie. Ce sont quelques éléments de cette histoire qu’on voudrait évoquer dans les lignes qui suivent.

Un système de formation propre dès le milieu du XVIIIème siècle

Si l’on suit les repères proposés par les sociologues des professions, une profession moderne commence à s’élaborer à partir du moment où elle dispose d’un système de formation particulier. C’est au milieu du XVIIIe siècle que naissent les premiers établissements de formation des ingénieurs. L’Ecole des ponts et chaussées dont on fixe la création officielle en 1747 forme des fonctionnaires civils chargés des infrastructures routières et des canaux. Les élèves qui doivent être bien nés ou au moins appartenir à la b