Dans un contexte de crise et d’approfondissement du chômage, l’emploi est au cœur de toutes les préoccupations. Or la période récente a connu quelques exemples retentissants d’entreprises apparemment prospères, mais n’hésitant pas à recourir aux licenciements pour préserver leurs résultats. La rationalisation de la production est en effet devenue pour nombre de managers et de consultants la clé de la réussite face à une concurrence exacerbée. Mais le succès lui-même semble trop souvent s’inscrire dans une logique au sein de laquelle la performance financière domine la politique de l’entreprise à l’égard de la main d’œuvre. C’est pourquoi les indicateurs de performance sont de plus en plus contestés car ils sont suspectés d’induire une stratégie générale de réduction des effectifs.

A ce sentiment général de soupçon, la réflexion théorique ajoute un ensemble de critiques dont les instruments de la comptabilité financière sont les cibles privilégiées. Dès lors, dans bien des écrits la contestation de la prégnance des logiques financières ne va pas sans une critique de l’outil comptable, dont on se propose de rendre compte ici dans un premier temps.

Une comptabilité financière contestée

On ne peut saisir l’orientation des mesures de la performance financière et de l’outil comptable qui les sous-tend sans considérer le contexte historique dans lequel ils ont été élaborés. Les instruments utilisés dans le pilotage visent en effet à répondre aux contraintes auxquelles sont confrontées les entreprises et aux préoccupations des dirigeants à un moment donné. Or la fin des années soixante dix et le début des années quatre-vingt qui correspondent à la période durant laquelle sont conçus les fondements de ces instruments, connaissent certes déjà la crise. Mais l’environnement paraît plus stable, moins incertain que