Des processus structurels qui ont modifié et qui continuent de transformer drastiquement les conditions et les manières d’organiser le travail, partout dans le monde. Mais peut-être est-ce plutôt le mot « dématérialisation » - qui signifie l’action d’ôter sa matérialité à quelque chose - qui définit finalement le mieux ce qui se joue actuellement à travers ces phénomènes ?
En effet, c’est bien une disparition de la matière - essentiellement le papier des documents (courriers, contrats, fiches de paie, factures, etc.) - qui résulte du mouvement de numérisation des données entamé dans les années 1990. C’est aussi à une moindre matérialité (des gestes, des relations, etc.) que conduit l’automatisation de certaines tâches : réserver des billets de train, actualiser des droits (au chômage, au RSA, etc.), passer le code barre des produits à la caisse du supermarché et, même, depuis le développement d’outils tels que ChatGPT ou Dall-E, traduire des textes, établir un pré-diagnostic médical ou produire des images. C’est enfin à une occultation physique des travailleurs qu’aboutit la sous-traitance d’un certain nombre de services (telles l’assistance informatique ou téléphonique, mais aussi l’annotation de données destinées à être traitées par l’intelligence artificielle[1]) et surtout, la généralisation du télétravail. Une mise à distance des corps à laquelle participe également le « management algorithmique », qui ajoute à l’éloignement des travailleurs la virtualisation du lien entre les employeurs et leurs subordonnés (qu’ils soient considérés comme « indépendants », selon le modèle du travail des plateformes, ou salariés au sein d’organisations de travail plus classiques, telles les entreprises de nettoyage ou de services à domicile).
Chacune de ces trois formes de dématérialisation présente des caractéristiques singulières qui mériteraient d’être analy