Contrairement à une représentation courante, la fonction publique n’est pas un îlot de pérennité et de stabilité préservé des processus de précarisation et de flexibilisation ; on y trouve, comme dans les autres secteurs, des formes d’insécurité sociale et d’importantes inégalités en matière de formes d’emploi. Le phénomène est ancien, massif et s’accentue ces dernières années. La part des fonctionnaires et agents statutaires est désormais minoritaire dans les recrutements : en 2016, la moitié des agents recrutés dans la fonction publique l’était sous contrat de droit public et près d’un sur cinq en emploi aidé1.

Cet article aborde les différentes dimensions de la relation d’emploi entre l’État et ses agents contractuels, en distinguant trois niveaux d’analyse : les aspects juridiques du contrat de droit public ; la mise en œuvre concrète de la relation d’emploi ; et enfin l’expérience des agents contractuels. On y défend l’idée que le contrat est une forme d’emploi qui permet aux employeurs de contourner le cadre statutaire, mais aussi un outil pour mettre à l’épreuve, repérer et fidéliser, et donc aussi, parfois, pour discipliner la main d’œuvre2.

Le contrat, un outil pour recruter en dehors du statut

Parallèlement à l’élaboration du statut de la fonction publique tout au long du vingtième siècle, l’État (au double titre d’employeur et de régulateur) a institué de multiples motifs de dérogation lui permettant de recruter des agents hors statut : auxiliaires, non titulaires, puis contractuels. Leurs conditions d’emploi, inscrites dans le droit public et progressivement précisées par voie réglementaire, dérogent à la fois au Code du travail et au statut de la fonction publique. En majorité recrutés pour une durée déterminée (jusqu’à