Thierry Gaudin est un homme de conviction. Dans un petit livre écrit avec J.E. Aubert, il s'essaye à décrire les mécanismes de l'innovation à la lumière de ses réflexions sur la spiritualité : «certains lecteurs seront surpris, peut-être méfiants, de voir ainsi rapprochées la technique et la spirualité. Elles ne sont éloignées que par l'effet de nos préjugés. Il y a une manière de parler de la technique comme si elle n'était qu'utilitaire, au service des besoins, voire des appétits. Selon cette vision, il n'y a que le résultat qui compte. Il y a une manière de parler de la spirualité comme si elle ne concernait que l'élévation des âmes. Selon cette autre vision, il n'y a que l'intention qui compte. Je récuse l'une et l'autre. Ou plutôt, je crois qu'on ne peut s'approcher de la réalité de l'innovation et de la spirualité qu'en acceptant justement cette confrontation de l'intention et du résultat, du rêve et de la réalité. Mais voyons d'abord les faits».

L'auteur fait tout d'abord deux rappels. En général, la pratique précède la théorie et «il ne suffit pas qu'une idée soit bonne pour que le monde l'adopte et se transforme».

On est assez loin du modèle français de R&D. Il est aussi vrai que ce point de vue est plus celui d'un ingénieur « ingénieux » que celui d'un prix Nobel de physique. Mais cette mise en cause est salutaire.

Notre système de production de l'innovation est très étatique. Il a donné de bons produits dans des secteurs concentrés mais est décevant dans les économies décentralisées.

Alors on doit s'interroger. Comment faire ? Où trouver les bonnes conditions de la création ? Où trouver la nécessité de la rupture ? Comment vivre la marginalité sociale innovatrice ? La spirualité apparaît, pour l'auteur, comme une voie d'entrée. Une spirualité dégagée du poids des institutions. «L'innovateur apparaît alors comme un hérétique». Le cheminement personnel est plus important que le discours des institutions.

Pour l'auteur «osons l'hypothèse que la révolution cognitive s'accompagnerait du passage du salariat à un entreprenariat généralisé, où chacun serait son propre employeur, en position de sous-traitant contractuel par rapport à un ou plusieurs donneurs d'ordre». Il faut donc beaucoup de créativité.

On frôle toujours la religion.

Ce petit ouvrage mérite la lecture, même si l'on peut douter de l'efficacité de la démarche analogique entre l'entrée dans l'esprit des religions et celui de l'innovation.