En instituant le droit d’expression, les articles L. 120, 121 et 122 du Code du travail (issus de la loi du 4 août 1982) font théoriquement entrer la démocratie dans une entreprise appelée dès lors à respecter les libertés fondamentales des salariés. Si les groupes d’expression sur les conditions d’exercice et d’organisation du travail qui devaient en être la traduction pratique (article L. 461-1 du Code du travail) n’ont guère été mis en œuvre, la question s’est rapidement posée, en revanche, des limites du droit d’expression. C’est dans les années 1980 et 1990 qu’ont été posées, dans le cadre d’une série d’arrêts de la Cour de cassation, les bases de la jurisprudence actuelle.

L’arrêt rendu le 28 février 1988 pour clore l’affaire Clavaud (Cf. page suivante) dégage deux principes fondamentaux, contenus en germe dans la loi de 1982 mais qui demandaient encore à être explicités : en premier lieu, l’exercice du droit d’expression est garanti aux salariés à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’entreprise. Tel était le principal point en débat, dans cette affaire où un ouvrier caoutchoutier avait été mis à pied pour avoir décrit ses conditions de travail à un journaliste. Second principe, directement issu du premier : le licenciement disciplinaire, et plus généralement toute sanction disciplinaire, ne peuvent être prononcés pour un fait d’expression du salarié. Bien sûr, ces principes s’entendent dans un usage raisonnable du droit d’expression, et les commentaires des juristes n’oublient jamais de mentionner qu’ils trouvent une limite naturelle dans le caractère abusif des propos, et notamment la volonté de nuire. Il n’empêche qu’avec l’arrêt Clavaud, la Cour a donné une lecture maximaliste du droit d’expression.

Dans l’entreprise même, curieusement, il faut attendre une dizaine d’années avant que ne