La crise a fait renaître de vieux fantasmes. Certains vont jusqu’à regretter le bon vieux temps où les États étaient encore maîtres de leur monnaie et avaient la possibilité de la dévaluer pour favoriser la compétitivité de leurs entreprises. Que vous inspirent de telles réflexions ?

Elles prouvent que la nostalgie est souvent bien mauvaise conseillère en économie. Il faut tout d’abord rappeler que la dévaluation était une arme essentiellement défensive dont les États ne se servaient qu’en dernier recours lorsque leur monnaie était menacée.

L’épisode des crises du Système monétaire européen en 1992 et 1993 est très parlant à cet égard. A l’époque, les marchés financiers, sur la base de rumeurs selon lesquelles des États européens n’avaient pas la capacité de maintenir leur taux de change, ont retiré leurs capitaux de ces pays. Cela a eu pour effet de déprécier leur monnaie.

Pour enrayer le phénomène, les Etats remontaient leurs taux d’intérêt de court terme (les taux directeurs des banques centrales), ce qui était une manière de signifier aux marchés que leur inquiétude n’était pas fondée – les États pouvaient faire face à des charges d’intérêt plus grandes – et qu’il était rentable d’investir dans ces pays, donc de faire affluer les capitaux.

Mais parce que les charges d’intérêt devenaient vite trop lourdes, les taux d’intérêt de long terme ayant eux-aussi augmenté, les États en question étaient vite confrontés à des difficultés budgétaires, et devaient se rendre à l’évidence : il n’y avait pas d’autre issue que de dévaluer. L’attaque spéculative, entamée par une rumeur, validait in fine la rumeur.

Ces dévaluations, parfois qualifiées de « compétitives », étaient génératrices d’une grande instabilité pour les entreprises. Prenons l’exemple d’une entreprise française export