Les fonctions-support d’une entreprise désignent des activités indispensables à la réussite de l’entreprise. Comme le nom l’indique, les fonctions-support sont des activités de gestion qui accompagnent les fonctions opérationnelles, celles qui sont au contact des clients et des partenaires de l’entreprise, dans leurs tâches quotidiennes. En d’autres termes, les fonctions-support permettent à l’entreprise de rester efficace et compétitive. Aussi appelées « back office », ces fonctions regroupent différentes activités en fonction de la taille et de la maturité de l’entreprise. Elles désignent principalement les activités suivantes : les ressources humaines, les finances, les systèmes d’information, les achats, les affaires juridiques, la communication, la logistique et les services généraux.

A l’aune des mutations en cours, tant économiques, technologiques que sociales, le rôle des fonctions-support se trouve aujourd’hui réinterrogé. Sujet de fond et d’interrogation pour ne pas dire d’avenir, notamment au regard du service qu’elles rendent. Leurs places stratégiques grandissantes nécessitent d’être mises en perspective dans un contexte socio-économique marqué par de nombreuses transformations. Les fonctions-supports sont à définir et à comprendre au sein des organisations et des institutions pour être mieux appréhendées par tous les acteurs et les décideurs. Cet article est une invitation à reconsidérer leur place au sein de l’organisation et d’interroger leur rôle dans la création de valeur.

  1. Des fonctions-support qui évoluent fortement

Avec la transition numérique, le digital, le Big data et l’intelligence artificielle (IA), les fonctions-supports se transforment du fait qu’un certain nombre de leurs activités sont automatisables[1].  Des activités à faible valeur ajoutée comme la gestion, la planification, le traitement de l’information, la réalisation de reporting, la facturation et bien d’autres tâches, aussi vitales que chronophages, peuvent être déléguées à des applications.

A terme, l’IA pourrait par exemple déclencher automatiquement les paiements des salaires de collaborateurs ou les règlements des factures de fournisseurs. Il est également possible d’imaginer une mise en application, en temps réel, des nouvelles législations et réglementations. La fonction communication pourrait être soulagée dans l’organisation des événements en automatisant les relances téléphoniques. Au lieu de passer un temps considérable à traiter les données, les collaborateurs dans ces fonctions peuvent utiliser une bonne partie de leur énergie à les analyser pour in fine en extraire une valeur business. Ainsi leurs décisions sr basent sur des faits plutôt que sur des intuitions. Plus largement, ce sont l’ensemble des fonctions supports qui font leur entrée dans l’ère de l’innovation et qui gagnent en agilité. Elles doivent désormais savoir rebondir rapidement après un échec ou un succès pour répondre aux objectifs stratégiques définis par l’entreprise.

Les fonctions-support se transforment. En se focalisant sur le traitement et l’analyse des données afin d’aider à la prise de décision, les fonctions support peuvent apporter une valeur ajoutée aux entités opérationnelles à deux niveaux : la qualité de leurs prestations et leur potentiel d’innovation. Elles ont en effet l’opportunité de devenir de véritables plaques tournantes de l’innovation incubant de nouvelles offres et facilitant la diffusion des meilleures pratiques au sein de l’entreprise. Les fonctions support peuvent, de surcroît, favoriser l’agilité des entités opérationnelles en les débarrassant des processus standardisés auxquels elles doivent malgré tout se conformer. Ainsi les avancées technologiques se révèlent une chance pour leur permettre de prendre une dimension stratégique au sein des organisations. Car en plus de bénéficier d’une meilleure gestion des coûts et des risques, les fonctions support peuvent dégager du temps afin de se consacrer à des missions à forte valeur ajoutée.

  1. Inverser la dynamique, vers un rôle stratégique des fonctions-support

Dans le modèle organisationnel pyramidal, qui est à bout de souffle aujourd’hui, les fonctions opérationnelles se trouvaient trop souvent prises en otage des fonctions support - système d’information, finance, par exemple-, qui leur dictaient les décisions à prendre. Il en résultait une perte d’efficacité et une absence d’innovation[2]. Ce qui se joue à présent c’est la nécessité d’inverser cette relation, conséquence du modèle pyramidal. Alors que les fonctions support étaient mobilisées sur une vision à court terme ne privilégiant pas de dimension stratégique dans leurs réflexions et leurs actions, elles doivent se mettre au service des fonctions opérationnelles. Cela nécessite d’entretenir une relation de long terme avec les entités opérationnelles de manière à développer une compréhension commune des processus. Pour ce faire, les fonctions support doivent ainsi appréhender les entités opérationnelles comme des partenaires stratégiques plutôt que comme de simples utilisateurs.

Dans la nouvelle gouvernance qui émerge, chacun se voit attribuer des rôles et des redevabilités. Chaque fonction est désormais à la fois client et fournisseur. Un système qui implique un même niveau d’exigence vis-à-vis des fournisseurs, internes comme externes. La nécessité de satisfaire les besoins et demandes de son client et se mettre à son service au travers de redevabilités explicites sur lesquelles les parties se sont accordées au préalable devient l’objectif partagé[3].

Le profil des compétences est amené à se repenser. Si détenir de solides connaissances techniques reste une évidence, c’est surtout dans tout ce qu’un robot n’a pas à offrir qu’il faut se positionner. Aujourd’hui, être créatif, innovant et avant tout incroyablement humain se révèle primordial.  La complémentarité entre le travail humain et l’activité de la machine se traduit par de nouvelles façons de travailler : réalité augmentée interactive, développement agile, collaboration entre les personnes, les machines, cocréation reposant sur une logique d’innovation descendante. Les compétences recherchées sont les capacités cognitives, de créativité, d’initiative, de réflexion[4]. L’avenir nous dira comment les fonctions supports vivront ce tournant et quelle transformation culturelle profonde l’entreprise devra mettre en œuvre pour parvenir à ce renversement.

 

  1. Les fonctions-support contribuent à la création de valeur

Comme l’affirme Alexandrine Lavaury, directrice pédagogique de Francis Lefebvre Formation, « On avait pour habitude d’opposer les fonctions support aux fonctions opérationnelles, supposées être créatrices de valeurs, à l’origine de l’offre et de sa commercialisation. Mais aujourd’hui, les fonctions supports nous démontrent qu’elles contribuent, elles aussi, à la formation de richesse »[5]. Chaque fonction-support à sa manière apporte de la valeur ajoutée. Par exemple, la direction juridique gère les contrats, les règles en matière de droit. Elle assure qu’un contrat soit bien rédigé afin d’éviter une source de litige qui entraînerait une perte pour l’entreprise. Les ressources humaines mettent en place une politique de gestion des carrières visant à attirer et fidéliser les meilleurs collaborateurs, créant ainsi un véritable avantage concurrentiel. Enfin, pour ce qui est de la fonction financière, elle aide les commerciaux à établir la politique tarifaire. Elle porte aussi un regard sur la politique d’investissement de l’entreprise et analyse les effets de chacune des décisions.

Les fonctions-support sont également des accompagnateurs de projet. L’entreprise doit réussir à passer d’une vision de fonction support à celle de business partner : chaque fonction doit connaître la direction que l’entreprise souhaite prendre pour l’accompagner au mieux. Toutes les fonctions doivent également connaître l’environnement dans lequel évolue l’entreprise, bien comprendre le marché, les clients, les fournisseurs mais aussi les concurrents. Enfin, il faut améliorer le positionnement de la fonction-support. Ce qui suppose un meilleur rattachement à la stratégie de l’entreprise. Les fonctions-support comme opérationnelles doivent pouvoir s’impliquer en amont des projets et être davantage force de propositions à son niveau. En remettant ainsi les fonctions support à leur place, l’entreprise se donne les moyens d’innover et de se développer sur une vision partagée et centrée sur la réalité du business plutôt que sur les contraintes des fonctions support.

La sempiternelle quête de la maximisation de la triade qualité-délai-coût ne suffit plus pour répondre aux nouveaux enjeux. La compétitivité se joue de plus en plus sur la capacité à réagir et à innover en toute situation. Cette capacité de réaction, directement dépendante de la mobilisation des hommes et de la qualité de la coopération avec les partenaires, impose une nouvelle approche de la performance. C’est un changement majeur[6]. La performance financière d’une entreprise ne suffit plus pour apprécier la performance d’une entreprise. Dès lors cette dernière doit mesurer ses progrès à partir d’une approche de la performance combinant dimension économique, sociale et environnementale.

Ainsi, il convient d’appréhender la contribution de chaque fonction à l’atteinte des objectifs stratégiques et à la construction d’avantages concurrentiels et ceci selon une dynamique d’interactions entre les fonctions[7]. André-Yves Portnoff, rappelle que « Toute organisation fonctionne comme un système dynamique d’interactions. De la valeur est créée et détruite à chaque instant par des flux, d’une part entre acteurs internes, d’autre part entre ces derniers et des acteurs externes, organisations et structures »[8]. La création de valeur dépend de la qualité et la pertinence de ces interactions. Pour cela, il faut mobiliser, l’intelligence collective[9], capacité d’un groupe à identifier et résoudre des problèmes, et qui n’est pas la somme des talents individuels mais la résultante des interactions. André-Yves Portnoff introduit dans ses réflexions, le concept de « capital d’intelligence collective » qui est la résultante opérationnelle de l’ensemble des talents, savoirs explicites et implicites du personnel, activés par les passions, les espérances, les projets de vie, la culture, le courage, l’éthique des membres de l’organisation. Il en résulte que la performance organisationnelle est la performance qui porte directement sur l’efficience de la structure organisationnelle et non pas sur ses éventuelles conséquences de nature sociale ou économique. Enfin, il est important de noter que l’entreprise à tout à gagner à impliquer l’ensemble de son personnel, par des engagements partagés et réciproques, dans les stratégies d’adaptation et de développement qu’elle entend mettre en œuvre[10]. L’engagement des salariés, à la fois comme ressource et indicateur d’une entreprise capacitante, symbolise le rôle central de la fonction-support.

Comme le rapport « Quelle place pour les compétences dans l’entreprise ? Renouveler les approches pour refonder les pratiques » du réseau Emploi et Compétences[11] le met bien en évidence, le développement des compétences s’inscrit pour l’entreprise dans une chaîne de valeurs, en intelligence avec l’éco-système territorial dans lequel elle se développe. Ce processus du développement des compétences dans l’entreprise résulte de l’interaction entre trois pôles : l’organisation du travail ; les objectifs stratégiques et opérationnels de l’entreprise ; le potentiel de ressources et de mobilité professionnelle détenu par les collaborateurs. L’activation et le développement des compétences n’a de sens que si elle contribue à renforcer la performance de l’entreprise. Ceci est possible que si les salariés sont informés et engagés dans le projet d’entreprise. La performance ne peut s’appréhender que dans une acception globale, partagée dans laquelle les indicateurs financiers, économiques et sociaux sont associés. Acception dans laquelle l’individu est reconnu comme détenteur de potentiels contribuant au développement des ressources internes de l’entreprise.

[1] « Les fonctions supports : des fonctions hautement stratégiques », blog d’Eric Delavallée , 26 janvier 2021. [2] « Les fonctions support ont toujours tort ! », Chronique de Bernard-Marie Chiquet, Institut iGi, 30 avril 2019. [3] « Les fonctions supports : des fonctions hautement stratégiques », Talents, 21 juin 2018. [4] Cf. Métamorphose du travail, Christine Afriat et alli, Economica, 2020. [5] « Les fonctions-supports nous démontrent qu’elles contribuent, elles aussi, à la formation de richesse », mai 2014. [6] Cf. « Mesure de la performance globale des entreprises », Alain Ferandez, avril 2018. [7] Cf. « Gestion des compétences, stratégie et performance de l’entreprise : quel est le rôle de la fonction RH ? », Martine Le Boulaire, Entreprise & Personnel, Didier Retour, Cerag et Institut d’Administration des Entreprises de Grenoble, Université Pierre-Mendès-France, 2008. [8] « La révolution de l’immatériel », Futuribles n°42, nov.-déc. 2017. [9] Sur la construction de l’intelligence collective, voir Woolley Anita Williams et alii, « Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups », Science, vol. 330, n° 6004, octobre 2010, p. 686-688 ; et Gender Action Portal de la Harvard Kennedy School.. [10] Cf. « Stratégie environnementale de l’entreprise : trouver le juste équilibre entre les enjeux économiques, écologiques et sociaux », Alain Petitjean, ActuEL Rh, mai 2021.

[11] France Stratégie, avril 2021.