Quel est votre environnement de travail actuel et quelles sont vos priorités ?

Michèle Rescourio-Gilabert. J’exerce depuis plus de 30 ans « autour » de la fonction ressources humaines (RH), comme directrice RH, avocate en droit social ou consultante. Cette fonction a beaucoup évolué mais, depuis quelques mois, beaucoup retrouve une DRH incarnée dans le quotidien, tournée vers ses missions de base. On redécouvre aujourd’hui la raison d’être d’une fonction support et c’est peut-être ce qui va la sauver. J’ai intégré il y a dix-huit mois la Fondation Santé des étudiants de France (FSEF), en qualité de DRH. Fondation qui a pratiquement un siècle d’existence. L’activité est celle du soin tournée vers les adolescents et les jeunes adultes, des soins psychiatriques mais aussi de ré-éducation après un accident de la vie. La spécificité est de permettre aux patients de continuer à suivre leurs études notamment en les amenant jusqu’au Bac. Des annexes de l’Education Nationale permettent cette double prise en charge. La Fondation accompagne aussi ces jeunes après le bac pour une insertion la plus adaptée à chacun. Avec la crise sanitaire, la santé mentale des étudiants est particulièrement prise au sérieux et nous développons des actions de prise en charge et de prévention à l’université ou dans les grandes écoles.  L’activité est au cœur des préoccupations des services RH en plus des projets structurants pour lesquels j’ai été recrutée.   Nous sommes 2 700 professionnels, infirmiers, médecins, éducateurs, cadres de santé et tous les services dits support pour assurer notre mission de santé publique.

En quoi le contexte de crise sanitaire a-t-il modifié votre action ?

R.-G. La crise a été révélatrice des grandes difficultés existantes déjà dans la santé notamment en termes d’attractivité. La plupart de nos emplois sont des emplois règlementés et en forte tension sur le marché. En plus de la pénurie très importante des médecins, notamment des psychiatres, nous subissons de plein fouet les questions de recrutement des infirmiers. Beaucoup de soignants réfléchissent à leurs lieux d’exercice (Paris/province) à leur vocation (changer de métier ?), leurs rémunérations (privé/public ?). Toutes ces questions nous traversent et nous devons nous ré-inventer et proposer des projets médicaux attrayants. Le soin auprès des adolescents et jeunes adultes doit être un levier attractif à proposer pour venir à la FSEF.

Vous décrivez une gestion du personnel « par le terrain ».

R.-G. Une approche RH qui part du quotidien, des personnes, des situations de travail. A contrario d’une gestion du personnel hors-sol et qui plane, comme il est reproché aux DRH. Le métier RH s’est dissous par le haut et par le bas, en voulant être à tout prix stratégique, en externalisant ses fonctions essentielles et en les distribuant aux managers de proximité. Il est ainsi devenu abstrait alors qu’il faut lui donner de la visibilité. La crise, comme pour tous les services RH, a généré une surcharge de travail avec une veille législative forte et fluctuante.

La fonction RH  est en prise directe avec le terrain, le quotidien des salariés : l’arrêt maladie, les questions de garde d’enfant, les problèmes de planning, les conditions de travail, l’hygiène et la sécurité… la gestion administrative en opposition avec le développement RH. Cette gestion administrative avait été un peu délaissée. La fonction RH revient dans la vie des salariés et se re-légitime en oubliant le « RH bashing » tellement en vogue ces derniers temps ! La RH, au plus proche des managers de proximité, est là pour les aider dans l’organisation du travail, pour les libérer des obligations de reporting, de planification et leur permettre d’être plus présents auprès de leurs collaborateurs. Chacun est à sa  juste place.

En quoi la fonction RH est-elle un support de l’activité ?

R.-G. Les opérationnels sont plongés dans un quotidien difficile et la fonction RH leur apporte du soutien technique, personnel, professionnel. Et au-delà elle cherche à donner du relief, de la reconnaissance, renvoyant une image valorisante du travail et de l’engagement. A moyen terme, il s’agit également de donner une perspective aux métiers, aux postes et aux personnes. On a un peu oublié ce rôle RH essentiel : ces dernières années à travers la catégorisation des risques psychosociaux on les a rapprochés du travail mais c’est réducteur et anxiogène. Au-delà de l’anticipation des risques, le RH est un moteur de l’organisation productive. Parler de la fonction RH comme une activité « support » ne me dérange pas. Elle contribue à la Fondation à une prise en charge de qualité du patient. Elle va permettre d’être attractif, de faire venir de bons professionnels, de leur permettre de travailler dans de bonnes conditions de travail, de les rémunérer de façon équitable et de les former pour la prise en charge patient. La fonction RH dans le secteur de la santé est dominée par les questions d’administration du personnel. Les prochaines années vont être cruciales pour la modernisation des outils paye, gestion des temps et remplir pleinement et qualitativement son rôle de support aux opérationnels.

Propos recueillis par Laurent Tertrais