Enfin un livre ! Car c'est un livre qui, exemples à l'appui, remet en cause bien des idées reçues et propagées sur la façon dont l'organisation du travail s'est transformée. Non, l'entreprise d'aujourd'hui n'est pas uniquement un univers de robots qui engendreraient un chômage massif. Non, l'entreprise d'aujourd'hui n'est pas un monde qui serait devenu convivial et offrirait à ses salariés un travail de plus en plus responsabilisant et épanouissant.

C'est l'inverse qui se produit : les entreprises modèrent leur automatisation tandis que le travail répétitif et peu qualifié progresse rapidement.

En effet, les entreprises ont su mettre en marché des produits de plus en plus variés avec des techniques et des composants de plus en plus standardisés, au point que le taylorisme peut progresser désormais, non seulement dans les ateliers industriels, mais aussi dans les services. Dans les ateliers comme dans les bureaux, ce qui prédominent maintenant ce sont les contraintes de qualité et de délais qui remplacent avantageusement les ordres des « petits chefs » pour intensifier le travail. « Ce qui paraît sûr, en tout cas, c'est que, si le néotaylorisme s'impose, ce n'est pas le fruit d'un complot de la bourgeoisie, d'un pacte secret conclu au cours des conclaves de Davos, mais simplement parce qu'il a fait la preuve de sa supériorité productive, de la capacité d'une organisation de ce type à fournir des biens et des services au meilleur prix, avec la meilleure qualité dans le meilleur délai ».

L'auteur de cet ouvrage, Guillaume Duval, est bien connu. Ingénieur, il a travaillé pendant treize ans au sein de différentes entreprises multinationales. Aujourd'hui, il est rédacteur en chef adjoint du mensuel « Alternatives Economiques ». Dans ce livre, il s'interroge : que faire face au taylorisme ?

Il s'agit, d'abord, d'effectuer une prise de conscience. L'entreprise néotaylorienne est, en effet, une machine remarquable mais extraordinairement fragile. Le travail répétitif, divisé, n'est particulièrement efficace qu'autant qu'il est accepté par ceux qui le subissent. "Les salariés ne s'en rendent généralement pas compte, mais leur entreprise se trouve, en fait, à leur merci. Pas de qualité qui tienne si les salariés n'adhèrent plus à cet objectif, pas de délais respectés s'ils traînent les pieds. Et l'absence de stocks rend les répercussions sur les ventes et la clientèle absolument immédiates. L'entreprise néotaylorienne a besoin en permanence d'assurer l'adhésion des salariés à ses propres objectifs pour survivre ».

La proposition que Guillaume Duval argumente, c'est qu'il faut augmenter le coût du travail. « Ce n'est guère dans l'air du temps, écrit-il, mais si nous voulons éviter de voir nos sociétés, nos vies, envahies par le travail répétitif, prescrit, subdivisé, déqualifié, il nous faut trouver les moyens de renchérir le travail pour faciliter l'automatisation. Quitte, parallèlement, à aller plus vite et plus loin dans la réduction du temps de travail pour combattre le chômage ».