La fonction de l’enseignement supérieur était de former des professeurs et des cadres. Est-ce toujours le cas ?

La fonction des universités était de former d’une part des fonctionnaires, d’autre part des médecins et des pharmaciens. Comme Boltanski l’a montré en 1982 dans son ouvrage « Les cadres », l’enseignement supérieur, au sens des universités, n’envoyait pratiquement personne hors de la fonction publique jusqu’en 1975, si on met à part les médecins et les pharmaciens. C’est à partir de cette date que les universités se sont vraiment mises à produire des cadres, ce qu’auparavant les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce étaient les seules à faire. Aujourd’hui, cinquante pour cent des ingénieurs diplômés viennent des universités, c’est une révolution silencieuse faite dans les quinze dernières années. D’autre part, le secteur des écoles de commerce a connu une forte expansion, accompagnée d’une concurrence aveugle et d’une crise professionnelle. Les universités sont entrées aussi, en même temps, dans la formation des gestionnaires. Alors qu’en 1968, il n’existait aucun département de gestion et seulement une dizaine d’Instituts d’administration des entreprises dans les universités, l’enseignement de la gestion s’y est développé. Et l’une des raisons de la crise des écoles de commerce est cette concurrence - légitime - que leur portent les universités, dont l’enseignement théorique est d’une bien meilleure qualité et qui ont fait un effort de professionnalisation.

Pourquoi les universités se sont-elles mises à former des cadres d’entreprise ?

D’abord à cause de la diversification des besoins des entreprises. Prenons l’exemple des banques : la plupart des cadres bancaires étaient des autodidactes, puis les banques ont eu besoin de diplômés parce que les métiers avaient changé. L’infor