La disparition programmée des collaboratori coordinati e continuativi, ces faux indépendants qui constituent l’une des aberrations du marché du travail italien, va amener près de 2,6 millions de personnes à changer de statut. On est loin, ici, des 20 ou 30 000 portés français, et il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner que sous l’apparence d’une médiation entre travail salarié et travail indépendant, les co.co.co. sont en réalité une forme d’emploi au rabais. Près d’un tiers d’entre eux ne travaillent en effet que sous ce statut, conçu à l’origine pour des jobs d’appoint, et n’ouvrant droit qu’à des garanties réduites : presque pas de retraite, de congé maladie ou maternité, pas de congés payés, des procédures de licenciement réduites au minimum, des indemnités dont il vaut mieux ne pas parler, et pour couronner le tout aucune allocation chômage. La plupart des co.co.co. sont des jeunes. Bien sûr, dans un contexte italien marqué par l’importance du travail au noir, ce système a pu permettre de faire rentrer des emplois dans la légalité ; l’extrême rigidité des procédures de licenciement en Italie, d’autre part, peut expliquer le choix de nombre d’organisations (parmi lesquelles, on s’en doute, la plupart des administrations, qui échappent d’ailleurs à la réforme) pour cette forme de travail sous-protégée. Mais il était temps d’en finir. Pour autant, on ne pouvait attendre du gouvernement Berlusconi qu’il se défausse de son credo ultralibéral, et la loi Biagi, du nom de l’économiste assassiné en 2002 qui a inspiré cette réforme, a d’abord pour vocation de donner plus de flexibilité au marché du travail. Pour des syndicats attentifs aux effets positifs de la réforme sur une croissance atone, il ne s’agit donc pas d’applaudir des deux mains : la dite « flexibilité » pourrait bien n’être que le faux-nez d’une réduction du coût du travail dont l’intérêt économique à court terme est loin d’être évident, et dont les effets à long terme sont clairement négatifs.
L’économie stagne, et même là où nous enregistrons des
signaux de croissance, le chômage persiste et les salaires sont à
la baisse. Ainsi nous habituons-nous à l’idée que c’est le travail,
et non le poste de travail, qui doit être garanti ; mais il
semble que nous ne soyons pas au bout de nos contradictions.
Nous avons mis beaucoup d’espoirs dans la réforme du
marché du travail. Celle-ci est à peine née, que certains de ses
éléments sont déjà modifiés avec des ajouts et des variations,
tandis que des critiques se font entendre chez ceux qui doivent
l’appliquer et jusque chez ses inspirateurs… « Des résultats
insuffisants », « il vaudrait mieux s’en prendre aux deux
points noirs de l’économie italienne : le chômage des femmes
et des jeunes »…
Il s’agit pourtant d’un dispositif complexe et
diversifié, et il est encore bien tôt pour juger de ses effets. Les
ombres alternent avec la lumière. La clé de lecture que nous
utilisons pour évoquer cette réforme, c’est la flexibilité, un
outil destiné à permettre à notre économie de supporter le choc de
la mondialisation, l’arythmie de la demande, et bien souvent sa
faiblesse. C’est elle qui permet de comprendre la fin du monopole
public des services à l’emploi, qui va se traduire dans les faits
par leur décentralisation. Des acteurs plus nombreux les prendront
en charge : communes et groupements de communes, organismes
bilatéraux, écoles et universités se voient offrir la possibilité
de devenir des agences pour l’emploi, afin de rapprocher l’offre et
la demande et de rendre plus efficace la gestion du marché du
travail, avec des actions ciblées vers les entreprises et les
personnes.
D’après l’Istat [l’Insee italien], qui sous la loi
italienne dénombre 48 types de contrats de travail
différents, il faut prendre garde à ce que la multiplication des
formules ne contribue à rendre les organisatio
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