L’économie contemporaine met en jeu des moyens si puissants que sa régulation semble purement technique. Les agents économiques doivent sans cesse tenter des « coups ». Dans un contexte marqué par la fragilisation des monopoles, on comprend qu’il soit extrêmement délicat pour une entreprise de mettre en avant son intégrité. Cela ne peut avantager qu’une firme dont le positionnement de marché est excellent et dont les qualités de gestion et de management sont irréprochables ; sans quoi le moindre manquement aurait des effets désastreux.

Les entreprises ne peuvent appliquer des chartes éthiques que si leur marché et la concurrence sont assez contrôlés. L’affirmation éthique ne saurait donc être neutre. Elle se présente en termes systémiques, articulant la question de la responsabilité avec celle de l’évolution des sociétés contemporaines et des entreprises qui en produisent la richesse. Une perspective éthique ne peut se concevoir comme un simple règlement intérieur : elle renvoie à une vision globale du développement social, y compris au plan international : les différences culturelles ne peuvent justifier des pratiques trop dérogatoires... Les pratiques professionnelles permettent donc de réfléchir aux orientations actuelles de la société tout entière.

La question qui nous intéresse ici est celle de la justification de l’éthique des cadres. S’agit-il de moraliser les métiers et d’assainir la concurrence ? S’agit-il de développer une norme réglementaire ? S’agit-il enfin de rendre plus prévisible, et donc mieux maîtrisable, l’environnement réglementaire et concurrentiel ? Deux cent cinquante ans après Jean-Jacques Rousseau et Adam Smith, le débat reste vif autour des idées qui ont accompagné le passage d’une société d’ordres1 à une société centrée sur la liberté des individus.