L’économie n’a pas toujours été immorale !

L’histoire de la responsabilité sociale des entreprises est plus ancienne que le capitalisme. De l’antiquité à nos jours, les rapports de l’économie et de la morale ont toujours connu des vicissitudes ; au-delà de la responsabilité juridique de ses membres, c’est leur responsabilité sociale qui est alors invoquée. Au cours des siècles passés, l’activité économique a longtemps été considérée comme immorale ou amorale. Les anciens méprisent les richesses, seuls les esclaves et les étrangers sont autorisés à les produire.

Dans le monde chrétien, l’économie devient morale si le riche, « intendant des dons de Dieu » pratique la charité après avoir satisfait ses propres besoins. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, les corporations font également peser une lourde contrainte morale sur les relations économiques : limitation de la concurrence, juste prix…

Au début du XIXe siècle, l’économie libérale met à mal cet équilibre mettant au centre de son système l’intérêt individuel. A travers la maximisation des profits et la minimisation des coûts, le libre jeu de ces intérêts particuliers devrait aboutir à l’intérêt général, selon le mécanisme bien connu de la « main invisible »1. Mais la révolution industrielle, avec son cortège de misères ouvrières (logements insalubres, salaires insuffisants, malnutrition…), infirme rapidement cette glorification de l’intérêt particulier : dans ses résultats les plus visibles, il joue souvent au détriment du plus grand nombre. Très vite, ainsi, une suspicion pèse sur l’entreprise, accusée de cynisme et d’immoralité : avant d’être reprise par le socialisme, la critique est formulée dès les années 1830 par le catholicisme social.

Lors même qu’il semblait l’oublier, le XIXe siècle redécouvre ainsi la respo