Lionel Jospin restera sans doute pour l’histoire le Premier ministre des emplois jeunes et de la RTT, chef d’un gouvernement qui tient ses promesses de diminution du chômage. Avec ce livre, il entre dans le débat qui parcourt la gauche française à la recherche d’un nouveau souffle et d’un candidat pour les présidentielles de 2007. Résolument optimiste comme dans L’invention du possible (1991), Lionel Jospin nous livre ses réflexions sur le monde et sa vision du futur.

Il s’élève contre « l’illusion » qui s’est répandue « que seule la voie capitaliste et de l’orthodoxie libérale apporteraient la prospérité ». Les crises d’aujourd’hui sont bien celles du capitalisme puisqu’il est le seul à survivre comme mode de production. Constatant la faillite des systèmes globalisants et totalitaires et, en particulier pour la gauche, l’échec du communisme, il condamne tout autant un libéralisme économique qui ne permet pas de juguler la misère : « il faut chercher d’autres voies que les siennes ».

Alors, l’idéal républicain et démocratique, la justice sociale, l’attachement à la raison et à l’éducation sont-ils rongés par l’individualisme et sont-ils à ranger au placard des idéaux inaccessibles ? Pour Lionel Jospin, la réponse est sans appel : non, l’espoir doit continuer pour notre génération et les générations futures. Mais le développement humain doit être le but de l’économie qui ne doit pas se réduire à la compétitivité ou aux taux de profit. Cela nécessite des citoyens actifs et instruits, un rééquilibrage de la mondialisation, la recherche de valeurs universalistes malgré la diversité des cultures et des civilisations qu’il faut préserver, par une Europe qui respecte les Etats-nations mais qui se construit politiquement. Le « Non » du 29 mai 2005 a affaibli la France, que les défauts de l’Europe n’ont pas été corrigés et que le malaise est grand. « Le non est un refus, il n’a pas d’autre contenu » : il faut maintenant que les Français disent où ils veulent aller et construisent cette Europe sociale.

Loin des chimères de la révolution, L. Jospin opte pour un réformisme résolument transformateur : « faire progresser la classe ouvrière, c’est assurer mieux la sécurité au travail, créer des emplois, donner aux salaires une plus juste part, réduire le travail précaire, préserver les retraites, garantir l’accès au logement et accroître les chances d’épanouissement par l’éducation et la culture. Une telle politique pourrait souder autour d’objectifs communs les différentes couches du salariat – ouvriers, employés, salariés agricoles, techniciens, enseignants, cadres moyens et une partie des cadres supérieurs du public et du privé ». Pour arriver à cela, plusieurs pistes.

Réformer l’Etat et ses institutions : « deux têtes dans un exécutif c’est une de trop ». Il préconise un président élu au suffrage universel qui gouverne directement un gouvernement avec un nombre de ministres restreint, la suppression du Sénat ou sa transformation par sa fusion avec le Conseil économique et social dont les travaux seraient mieux connus et qui serait ainsi une instance de représentation économique et sociale et d’accompagnement technique du travail législatif.

Redonner à la loi ses lettres de noblesse, tout en préparant les lois par un dialogue avec les partenaires sociaux. La voie contractuelle serait féconde à trois conditions : que les négociations portent sur des progrès et non des reculs, que les syndicats s’unissent pour des propositions communes à l’interlocuteur patronal, que les prérogatives des pouvoirs législatif et exécutif soient respectées et ne soient pas restreintes à un rôle d’arbitre.

Que la « nouvelle aristocratie » dominante renonce au dogme qui affirme le principe du caractère fécond de l’inégalité. Grands dirigeants de l’entreprise, de la finance et des médias qui enjoint aux autres de faire des sacrifices au nom de la compétition mondiale ou de l’équilibre de l’économie, mais ne consentent pour eux-même aucun effort et/ou renoncement et ne conçoit même pas que la question se pose.

Qu’il n’y ait pas rupture entre le peuple et ses élites, car celles-ci sont issues du peuple pour le représenter ou désignées sur leurs compétences ou leur talent : « il est légitime d’attendre de ceux qui accèdent à des responsabilités ou à des fonctions socialement valorisées qu’ils n’oublient pas ce que la société tout entière doit au peuple dans sa diversité ». L’Etat républicain doit être vertueux s’il veut des citoyens qui respectent les lois.

Rompre avec la pensée libérale qui met l’échec social au compte de la responsabilité individuelle et qui restreint l’égalité des chances à l’égalité des droits : il faut une prise en charge collective des problèmes sociaux et se donner les moyens de les résorber, car « ce qui change vraiment la vie c’est le travail ».

Une relation stable entre l’employeur et le salarié (CDI) pour assoire la vie sociale et familiale et la projeter dans le temps à l’abri des aléas. Cela ne signifie pas refuser l’économie de marché, mais à condition qu’elle soit régulée et que certains biens et services ou certaines dimensions de la vie échappent à la logique du marché. Lionel Jospin oppose à la déréglementation des libéraux une politique sur le modèle nordique : « ce qu’ils ont consenti à l’adaptabilité sur le terrain économique, ils l’ont compensé par de nouvelles garanties dans le champ social ».

L’affirmation de la laïcité et du respect de la République : séparation de l’Eglise et de l’Etat, respect des croyances sont le fondement de la laïcité. La diversité doit rassembler et non diviser : c’est le défi pour la République. Mais cela va de pair avec le respect de la sécurité des biens et des personnes, ainsi que des lois. La gauche républicaine ne doit pas laisser à l’extrême droite le monopole de l’ordre républicain.

Il n’y a pas de liberté sans ordre : il faut prévenir par des politiques sociales et sanctionner lorsque c’est nécessaire pour rétablir le droit de tous à la tranquillité et à la sécurité : « il est essentiel à mes yeux que la gauche de gouvernement, sans renoncer à la dynamique de la transformation sociale, assume une position républicaine fondée à la fois sur le respect de la loi et la fidélité à des valeurs capables de créer un lien social ». De même contre l’économie souterraine il faut réhabiliter l’économie légale. Il n’y a toutefois pas de politique de sécurité viable sans lutte contre les inégalités et les discriminations.

Amplifier le rôle de l’école pour la transmission des savoirs fondamentaux et de la culture générale, source d’émancipation et de richesse personnelle, mais enseignement aussi des savoirs spécialisés qui donnent accès aux emplois et aux métiers ; et faire en sorte que les élèves, par delà les enseignements, deviennent « des citoyens libres ». Ne pas accepter que si le taux de bacheliers soit passé de 30% en 1987 à 63% en 1997, les enfants d’ouvriers et d’immigrés les inégalités se sont accrues : ainsi 21% des enfants de professeurs ou d’ingénieurs finissent diplômés d’une grande école contre moins de 1% des enfants d’ouvriers.

Refus des fatalités, de l’exploitation, de l’aliénation, pluralisme, tolérance, sens des responsabilités pour l’avenir de la planète (développement durable), fondent le point de vue de Lionel Jospin qui préconise des réformes qui, progressivement, changent l’ordre des choses. Pour lui le socialisme reste « une pensée et un mouvement qui, historiquement, hostiles au capitalisme, entendent faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Les socialistes luttent pour la liberté, la justice, la connaissance, le développement durable te la paix. Ils croient qu’il est possible pour les hommes de se gouverner eux-mêmes librement et de maîtriser leur destin. »

Code du travail annoté, 26e édition. Groupe Revue Fiduciaire, 2006, 2 332 pages, 51 euros.

Code de l’action sociale et des familles, 2e édition. Dalloz, 2006. 1211 pages, 62 euros.

Initiation à l’intégration fiscale, 2e édition. Revue Fiduciaire, 2006. 260 pages, 29 euros

Agnès Roset, Lysiane Tholy et Céline Lavanchy. Dictionnaire de jurisprudence sociale, 9e édition. Revue Fiduciaire, 2006. 1640 pages, 129 euros.

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