Attention, ce n'est pas un ouvrage facile. Une bonne connaissance du jargon philosophique et de l'histoire de la philosophie, des grecs aux contemporains, seraient fort utile pour saisir tous les développements de cet auteur, néanmoins sa pensée est si riche qu'on tire malgré tout grand profit de cette lecture.

Remarquons d'abord que le sous-titre prend finalement plus d'importance que le titre car seul le chapitre 1 (43 pages) traite du naufrage de l'université. M. Freitag qui est, nous dit-on, le philosophe de la société post-moderne, mène une critique systématique des sciences sociales et de cette société post-moderne.

A propos de l'université, la thèse avancée par l'auteur va à contre-courant des idées actuelles : c'est le développement de la recherche en son sein qui peut conduire l'université à sa destruction en l'écartant de sa tâche traditionnelle d'enseignement et de développement du savoir. Elle passe ainsi du statut d'institution de formation à celui d'organisation de production et de contrôle. L'aspect institutionnel renvoie à la priorité des fins, l'aspect organisationnel à la priorité des moyens.

Cette critique de l'université et de son mode de recherche est étendue tout naturellement aux sciences sociales accusées de s'intéresser uniquement à des procédés immédiatement opérationnels et de fonctionner comme des idéologies de légitimation propres à la modernité dans une société où l'individu n'a plus prise sur son avenir mais où il est soumis à des systèmes de régulation autonomisés de forme cybernétique sous l'influence des forces économiques et technologiques.

Pour l'auteur, le plus inquiétant est justement la capacité qu'a ce système social de fonctionner en produisant un monde de plus en plus inhumain, parce qu'il parvient à gérer cette inhumanité et la révolte qu'elle suscite. Il faut donc « de l'intérieur et de l'extérieur empêcher d'urgence que la civilisation occidentale ne se développe unilatéralement en système technique capable d'assurer la destruction et la disparition du monde ». Il faut changer de civilisation et pour cela s'appuyer sur l'éducation : « c'est dans le redoublement de l'effort éducatif pour la culture, que peut être cultivé, maintenu et développé le seul contrepoids positif que nous puissions collectivement opposer au « laisser-faire, laisser-aller » des puissances technologiques, à notre mise sous dépendance à l'égard de ces puissances, à notre mise en dérive par elles ».